L’un des plus beaux textes mathématiques a été écrit il y a plus de 2 200 ans par un savant célèbre à cause… d’une baignoire. Archimède mêle sans cesse les problèmes abstraits et concrets. On dit même qu’il inventa des machines de guerre pour défendre sa ville, Syracuse, attaquée par les Romains. Même si un certain nombre de mathématiciens d’aujourd’hui font mine de l’ignorer, les mathématiques sont partout, y compris chez les militaires.
Le livre d’Archimède “De la sphère et du cylindre” est une pure merveille. Parmi les joyaux qu’il contient, on trouve la détermination de la superficie d’une sphère en fonction de son rayon . Aujourd’hui, on impose la formule aux collégiens qui doivent l’apprendre consciencieusement. Les étudiants des premières années d’université la démontrent à coups de calculs d’intégrales qui leur semblent souvent bien obscurs.
Regardez cette sphère inscrite dans un cylindre. Projetez chaque point de la sphère sur le cylindre “radialement” comme indiqué sur la figure. Le petit carré bleu se projette sur le rectangle rouge. De cette façon, toute figure dessinée sur la sphère se trouve projetée sur le cylindre. Archimède démontre que la figure et sa projection ont la même superficie. Par exemple, la sphère toute entière a la même superficie que le cylindre, dont la base a un rayon (et donc un périmètre ) et la hauteur est égale au diamètre, donc . La superficie de la sphère est donc fois , c’est-à-dire , comme on l’apprend à l’école.
Comment Archimède démontre-t-il son théorème ? Observez le petit carré bleu sur la sphère. Sa projection est un petit rectangle, en rouge sur le cylindre. Le côté horizontal du rectangle rouge est plus grand que le côté du carré. Le côté vertical est par contre plus court car le carré bleu est penché par rapport à la verticale. Eh bien, ces deux effets se compensent et le rectangle a la même superficie que le carré. Pourquoi ?
Faites un effort, vous pouvez le démontrer vous-même : prenez une feuille de papier, souvenez-vous du théorème de Thalès, faites quelques dessins, faites des maths, vous verrez comme c’est grisant de comprendre un théorème. On dit qu’Archimède fut si content de son théorème qu’on grava une sphère inscrite dans un cylindre sur sa tombe.
Faites un effort, vous pouvez le démontrer vous-même : prenez une feuille de papier, souvenez-vous du théorème de Thalès, faites quelques dessins, faites des maths, vous verrez comme c’est grisant de comprendre un théorème. On dit qu’Archimède fut si content de son théorème qu’on grava une sphère inscrite dans un cylindre sur sa tombe.
Les plus belles idées sont souvent vite oubliées… puis parfois redécouvertes. En 1867, un certain James Gall redécouvrit le théorème et l’utilisa pour fabriquer des cartes de géographie qui respectent les superficies. Il suffit de dérouler le cylindre sur une feuille de papier pour obtenir une carte du Monde. Cette carte fut à nouveau oubliée et redécouverte par Arno Peters en 1967.
La surprise fut grande. Nous étions habitués à la carte de Mercator, qui déforme les superficies et qui donne d’autant plus d’importance à un pays que sa latitude est élevée. La carte de Mercator était parfaite pour vanter l’Europe, prête à faire de grandes découvertes, prête à construire des empire coloniaux. Sur cette carte, l’Afrique tout entière par exemple semble avoir la même superficie que le Groënland, alors qu’en réalité elle est quatorze fois plus vaste.
La carte de Gall-Peters, on devrait dire la carte d’Archimède, rend justice à l’Afrique !
Brève rédigée par Étienne Ghys (École Normale Supérieure de Lyon).
Pour en savoir plus :
- Archimède : De la sphère et du cylindre.
- Brève Un défi cartographique.
- Une courte biographie d’Archimède sur Bibm@th.net.
- Sur la projection de Peters, on peut consulter la page Wikipedia en français mais la version anglaise est bien plus complète, même si elle ne mentionne pas Archimède !
- Un cours sur l’histoire de la cartographie par Pierre Delprat de l’ ENSG.
- Deux brèves reliées, une sur Archimède et une autre sur la cartographie.
Crédits Image : Etienne Ghys/Jos Leys.
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