Collectionneur de papillons et de structures

Photographe de Laurent Schwartz

Laurent Schwartz, le collectionneur de papillons

Laurent Schwartz (1915-2002) est un mathématicien français. Récompensé en 1950 par la médaille Fields pour sa théorie des distributions, ses recherches portent sur l’analyse et les probabilités.

Schwartz est aussi un collectionneur passionné de papillons, et possédait une collection de plusieurs milliers de boîtes.

Collectionner, classifier, dénommer, structurer sont des activités fréquentes et essentielles chez beaucoup de mathématiciens. Ainsi, Charles Hermite décrit-il la pratique du mathématicien comme étant de la même nature que l’observation du naturaliste. De la même façon, Henri Poincaré considère que la science est avant tout une classification, qu’il qualifie de commode, et qui permet de décrire les relations entre les objets. Carl Friedrich Gauss, par exemple, dans la section 5 des Disquisitiones Arithmeticae, classifie les formes quadratiques binaires suivant leur classe, genre, ordre.

Cette volonté de classification est au cœur de la démarche de Bourbaki, ce collectif de mathématiciens français qui a marqué les années 50-60 et écrit les Eléments de mathématique. Schwartz, qui en a fait partie, décrit l’entreprise de Bourbaki comme étant naturaliste : « On peut comparer la classification mathématique de Bourbaki à l’immense révolution introduite par Linné avec son Systema naturae en 1758 dans la classification des êtres vivants, animaux et végétaux. (…) Bourbaki est le Linné des mathématiques. » Ce sont les structures, qui sont caractérisées par leurs axiomes, qui permettent de classifier les objets mathématiques. « Pour définir un objet, on définit les axiomes qu’il doit vérifier, et non cet objet lui-même », écrit Schwartz. Filant la métaphore, il rapproche le développement des théories mathématiques de notions de génétique des populations : selon lui, les théories mathématiques procèdent plus par croisements que par lignées verticales, ce qu’on peut représenter par les deux schémas suivants, en reprenant les exemples qu’il décrit.

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Cette classification s’accompagne d’un important travail de dénomination. Schwartz considère ainsi que Bourbaki a introduit un vocabulaire « éminemment simplificateur ». Il discute le moment où le mathématicien introduit un nouveau mot, une nouvelle définition : c’est lorsque cette propriété revient toujours. « Naturellement, tout mathématicien doit s’habituer à manipuler un grand nombre de mots nouveaux. Une partie de son travail consiste précisément à concevoir des mots nouveaux, et des notations nouvelles là où cela s’impose », nous explique-t-il. Il indique que cela est une simplification qui s’accompagne d’une montée en abstraction. Et Schwartz a d’ailleurs donné son nom à plusieurs papillons !

 

Brève rédigée par Anne-Sandrine Paumier (Institut de Mathématiques de Jussieu, IHES), avec ses remerciements à Catherine Goldstein (Institut de Mathématiques de Jussieu).

Pour en savoir plus :

  • Laurent Schwartz (1997), Un mathématicien aux prises avec le siècle,  Paris, Odile Jacob.
  • Laurent Schwartz (1915-2002), Supplément au n°98 de la Gazette des MathématiciensParis, Société Mathématique de France, 2003 
  • Le site des Archives Bourbaki, mises en ligne et commentées par Liliane Beaulieu
  • Maurice Mashaal, Les Génies de la Science, Num.2. Bourbaki, une société secrète de mathématiciens. Pour la Science, Paris, 2000.
  • Aline Richard. Les papillons de Laurent Schwartz. La Recherche, n°362, p. 72.
  • La Dénomination. (2000) Le Temps des savoirs,  Revue interdisciplinaire n°1. Odile Jacob. On trouve dans cette revue un article sur «  Linné et la dénomination des vivants : portrait du naturaliste en législateur » (par Jean-Marc Drouin, p.17-38), ainsi qu’un article sur Bourbaki : « La création des noms mathématiques : l’exemple de Bourbaki » (par Pierre Cartier et Karine Chemla, p. 153-170).
  • Catherine Goldstein,(2011) “Les mathématiques comme science d’observation : les convictions de Charles Hermite”, in F. Ferrara, L. Giacardi, M. Mosca, Associazione Subalpina Mathesis Conferenze e seminari 2010-2011, Torino: Kim Williams, p. 147-156,
  • Catherine Goldstein (2006), Norbert Schappacher & Joachim Schwermer (Eds.) The Shaping of Arithmetic after C. F. Gauss’s Disquisitiones Arithmeticae, Heidelberg, Berlin, etc. Springer.
  • Henri Poincaré (1905), La valeur de la science, Flammarion.

Crédits images : Laurent Schwartz “Le collectionneur de papillons”, Photographie de Philippe Lavialle, Collection Ecole Polytechnique-Palaiseau.

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