Comment les villes poussent-elles ?

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L’Europe de l’Ouest, sous l’œil du satellite Suomi NPP.

Comment croissent les objets de la Nature ? Un massif de corail, une colonie de bactéries, une algue, une fougère, un arbre ? Un ingénieur anglais, Henry Selby Hele-Shaw, a découvert à la fin du 19ème siècle une équation permettant de décrire l’accroissement d’une tache d’eau injectée entre deux plaques rapprochées dont l’interstice est rempli d’huile. Outre son intérêt pour les compagnies pétrolières (l’extraction du pétrole se fait précisément par injection d’eau à forte pression), elle décrit bien les croissances, dites dendritiques, rencontrées dans le monde vivant.

Mais il n’y a pas que les objets naturels qui croissent : la révolution industrielle et surtout la deuxième moitié du 20ème siècle ont été le théâtre de l’éclosion de mégalopoles à la croissance foudroyante. Existe-t-il des lois gouvernant la croissance urbaine ? Un des pionniers de cette problématique a été Walter Christaller, un géographe allemand qui, dans les années 30, s’est plutôt occupé de l’interdépendance des villes.

Si ces lois existent, elles sont très éloignées des croissances dendritiques. Un fait empirique crucial les distingue en effet : dans toutes les villes du monde, la concentration de population décroît exponentiellement par rapport à la distance au centre, ce qui n’est pas le cas des modèles de croissance dendritique pour lesquels la décroissance est polynomiale et donc beaucoup trop lente.

Un modèle, dit de « percolation en gradient », a été proposé dans les années 1980 : très grossièrement, une parcelle non encore occupée le devient avec une probabilité P=\exp(-Q) où Q est proportionnel à un facteur qui prend en compte la distance au centre mais aussi l’accessibilité de façon générale, et inversement proportionnel au temps.

Une corrélation entre les parcelles est aussi introduite, favorisant les centres secondaires. Les simulations suggèrent qu’il y a bien des lois de croissance et qu’elles ne dépendent que de très peu de paramètres.

Montargis en 1900

1. Les environs de Montargis en 1900.

Montargis aujourd'hui

2. Les environs de Montargis aujourd’hui.

Voici les résultats d’une étude commandée par la région Centre sur la ville de Montargis : la figure 1 montre la ville de Montargis telle qu’elle était en 1900 et la figure 2 la même ville en 2010. La figure 3 représente une simulation de Montargis modélisée à partir des données de 1900 selon le processus décrit plus haut. On peut même calculer une projection pour 2050 (figure 4).

Montargis simulé

3. Simulation par percolation en gradient.

Simulation 2050

4. Ce que pourrait être Montargis en 2050.

La qualité des prédictions obtenues encourage le mathématicien à poursuivre son travail, qui consiste à justifier les équations utilisées à partir des comportements individuels.

Brève rédigée par Michel Zinsmeister (Université d’Orléans), d’après les travaux de A. Batakis, K. Serhini, N. Nguyen et J.-M. Zaninnetti.

Pour en savoir plus :

Crédits images :

  • NASA Earth Observatory.
  • Thi Thuy Nga Nguyen.

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