Euler aux prises avec les variations de densité

Leonhard Paul Euler (1707-1783)

Leonhard Paul Euler (1707-1783).

Selon la conception déterministe de l’Univers, l’évolution d’un système est complètement gouvernée en tout point de l’espace par les lois de la physique. C’est le célèbre déterminisme de Laplace du XVIIIème siècle, qu’on trouve en fait dès la Grèce Antique dans la philosophie de Démocrite.

La mise en équations du monde physique est centrale dans cette conception. Les fluides, par exemple, peuvent être décrits par des systèmes d’équations aux dérivées partielles, mais la nature de ce système dépend du type de fluide utilisé. Le même système d’équations ne conviendra pas au miel, à l’eau et à l’air ! Leonhard Euler, au milieu du XVIIIème siècle, a été le premier à proposer un modèle de ce type, adapté à la description de l’eau. En modifiant légèrement les équations proposées par Euler, on obtient un modèle qui peut prendre en compte les variations de densité du fluide, ce qui permet de décrire par exemple l’eau de mer, où la concentration de sels minéraux n’est pas uniforme. On parle alors des équations d’Euler non homogènes.

En accord avec le déterminisme de Laplace évoqué ci-dessus, le modèle est jugé pertinent si les équations qui le composent sont bien posées, c’est-à-dire possèdent la propriété de déterminer de façon univoque l’état du fluide, au moins dans un futur proche, à partir de la connaissance en tout point et avec une précision infinie de la vitesse et de la densité initiales.

Si le caractère bien posé est déjà un résultat satisfaisant en soi pour le mathématicien, la connaissance explicite de la solution (par exemple, via une formule mathématique) n’est pas possible, sauf cas exceptionnel. C’est pourquoi, une fois acquis le caractère bien posé, on s’attaque à la description qualitative de l’évolution du fluide : peut-on mettre en valeur la persistance de structures remarquables telles que la propagation des vagues de la mer loin du rivage (avant qu’elles déferlent), ou la forme régulière de la surface d’un fleuve dont le lit serait lisse (sans rochers qui en perturberaient l’écoulement) ? Ou au contraire, des singularités (points où la pente de la solution devient très grande) ou irrégularités (chocs, concentration d’ondes ou oscillations très rapides) peuvent-elles apparaître à partir d’un état initial régulier (c’est-à-dire calme ou encore non turbulent) ?

Les mathématiciens se sont principalement intéressés aux équations d’Euler homogènes, mais le cas non homogène présente de nombreuses similarités : les deux modèles sont bien posés et possèdent la propriété de propagation du caractère régulier dans un futur proche. Dans le cas idéalisé d’un fluide évoluant dans le plan, il y a en revanche une différence notable : les résultats obtenus dans le cas à densité variable ne sont valables que sur un petit intervalle de temps, alors que pour les fluides homogènes, ils perdurent indéfiniment. Est-ce que, en raison des variations de la densité, la solution pourrait devenir singulière bien qu’elle soit attachée à un état initial régulier ? La mise en évidence d’un exemple explicite reste un des grands problèmes ouverts pour les équations d’Euler non homogènes.

Brève rédigée par : Raphaël Danchin (Univ. Paris-Est) et Francesco Fanelli (Basque Center for Applied Mathematics).

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Crédits Images :  Wikimedia Commons.

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