La théorie de l’évolution darwinienne a récemment fêté ses 150 ans. Initialement controversée, elle occupe aujourd’hui une place centrale en biologie, expliquant l’apparition et le développement des espèces jusqu’à nos jours. Il peut être intéressant de disposer de modèles mathématiques qui rendent compte de l’évolution d’un écosystème suivant les principes darwiniens. On comprend vite que ceci est hors de portée d’un point de vue mathématique sur de grandes échelles de temps. Mais la théorie de l’évolution joue également un rôle important sur de plus petites échelles, en expliquant par exemple comment des agents microbiens (notamment les bactéries) s’adaptent à de nouvelles conditions ou encore comment des cellules tumorales réagissent à un milieu pauvre en oxygène. Dans ce cadre restreint, des modèles mathématiques peuvent être proposés et ont été effectivement développés.
Plutôt que de prendre en compte tout le génome de chaque individu, on se concentre sur un petit nombre de traits phénotypiques. Il peut s’agir de la taille à la naissance d’une bactérie ou de sa virulence par exemple. La plupart des modèles se placent dans le cadre de la reproduction asexuée et intègrent les principaux concepts de l’évolution darwinienne. Tout d’abord un individu a en général les mêmes traits que son parent : c’est l’hérédité. En revanche, dans un petit nombre de cas rares, le trait d’un descendant est différent : il s’agit de mutation. Enfin, l’ensemble des individus de la population est en compétition, directement ou pour certaines ressources, ce qui aboutit à la sélection des mieux adaptés.
A partir de ces hypothèses, on peut développer plusieurs classes de modèles, aléatoires ou déterministes. Dans le premier cas, l’évolution de chaque individu de la population est supposée aléatoire. Cependant lorsque le nombre d’individus dans la population devient trop important, on s’intéresse plutôt à la densité autour d’un trait donné. On obtient alors des modèles continus ou déterministes. Petit à petit, ces divers modèles ont été unifiés en fonction des valeurs des différents paramètres : nombre d’individus, taux et amplitude des mutations… Après de longues années d’efforts pour dépasser les difficultés théoriques, ces études mathématiques qui établissent les liens entre les différents modèles permettent de garantir que tous sont cohérents et reposent sur les mêmes bases ; en fonction de la situation, on peut ainsi librement utiliser le modèle qui semble le mieux adapté ou le plus simple à mettre en œuvre.
Brève rédigée par P.E. Jabin (University of Maryland) d’après les travaux de G. Ben Arous, N. Champagnat, L. Desvillettes, O. Diekmann, S. Méléard, S. Mirrahimi, S. Mischler, B. Perthame, G. Raoul.
Pour en savoir plus :
- La page de Pierre-Emmanuel Jabin.
- Présentation de la conférence donnée par Sylvie Méléard le 23 janvier 2013 à la BNF : «Darwin : le hasard et l’évolution».
- O. Diekmann, P.E. Jabin, S. Mischler, B. Perthame (2005), «The dynamics of adaptation: An illuminating example and a Hamilton-Jacobi approach» , Theor. Popul. Biol. Vol. 67, pp. 257–271 [En anglais].
- S. Méléard (2009), «Introduction to stochastic models for evolution», Markov Process. Related Fields 15, No. 3, pp. 259-264 [En anglais].
- La théorie de l’évolution expliquée dans l’article «L’origine des espèces, Darwin».
Crédits Images : P.-E. Jabin et N. Champagnat.