Les mathématiques analysent de nombreux aspects des marchés financiers et des produits de la finance. Ainsi, les marchés de permis d’émission de CO2 comptabilisent les rejets directs en CO2 ou l’équivalent CO2 des rejets des autres gaz à effet de serre. Les Etats, ou une autorité multinationale, fixent un plafond d’émissions. A chaque “pollueur” (une entreprise par exemple), est attribué au départ un droit à polluer, exprimé en tonnes de CO2. En fonction de l’évolution de leurs besoins, les entreprises peuvent échanger librement leurs droits à polluer, au prix déterminé à chaque moment par les conditions du marché. Sur ce marché, des industriels achètent et échangent des droits à polluer, en référence à l’objectif de rejet de pollution à respecter. C’est le fonctionnement dit cap and trade.
Pour établir un tel marché, il convient de choisir un mécanisme qui fixe dans le futur l’objectif de rejet. En cas de non respect de l’objectif à terme, une pénalité est versée par les producteurs qui ont dépassé le quota qui leur avait été alloué. Réaliser le design de ce marché consiste notamment à fixer un calendrier pour l’utilisation des permis, à choisir le mode de distribution initial (allocations gratuites, mise aux enchères, …) et la forme de la fonction de pénalité, etc.
Ces marchés de permis sont encore balbutiants : sous l’impulsion du protocole de Kyoto et de son prolongement, on compte un petit nombre de tentatives d’ouverture de marchés dans certains pays (dont la Communauté Européenne depuis 2005) auxquelles s’ajoutent des initiatives plus récentes (Australie, Chine et certains états américains).
Les marchés de permis de CO2 sont perçus comme des outils incitatifs pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre issus de certains secteurs d’activité. Le design de tels marchés, et donc leur efficacité, est caractérisé par les valeurs prises par un ensemble de paramètres numériques qui définissent les règles de fonctionnement du marché. De la théorie à la pratique, les mathématiques peuvent aider à y voir plus clair sur le choix des paramètres permettant que la mise en place de ces marchés conduise à une réduction effective. De plus, ces marchés de permis affectent les prix sur des marchés de biens (dont la production a comme conséquence l’émission de gaz à effets de serre) et de matières premières.
La théorie des jeux permet d’analyser l’interaction des acteurs sur ces marchés, de comprendre le lien entre le design du cap and trade, la formation des prix par exemple de l’électricité, les effets d’aubaines et les technologies de production favorisées.
D’autre part, à l’aide d’un modèle de production industrielle, on peut adopter le point de vue d’un acteur soumis à la pénalité sur le CO2. Pour un design de marché fixé, la simulation numérique permet de quantifier son bilan d’activité (richesse produite, CO2 rejeté) et de calculer son prix subjectif pour l’acquisition d’un permis. Ces informations permettent de tester et de comparer différents designs suivant des critères variés, dont la réduction des émissions.
Brève redigée par Mireille Bossy (Inria Sophia Antipolis), Nadia Maïzi (MinesParisTech Sophia Antipolis), Odile Pourtallier (Inria Sophia Antipolis).
Pour en savoir plus :
- Un article «Le carbone, un nouveau marché pour les mathématiques financières» par Mireille Bossy sur Interstices.
- Le projet «CarbonValue : étude quantitative de la valeur carbone court terme» avec INRIA et MINES ParisTech.
- M. Bossy, R. Carmona, N. Maïzi, O. Pourtallier (2011), «Carbon Allowances and Electricity Prices : a Game-theory Approach», ICIAM 2011 [En anglais].
- Les enjeux du développement durable : «L’évaluation du développement durable dans l’entreprise» sur le site MINES Paris Tech.
Crédits Image : What’s up with that ?, un article d’Anthony Watts, illustration de Nitrozac et Snoggy.