Le phytoplancton est constitué d’organismes unicellulaires ne pouvant se déplacer librement. Il est à la base des chaînes alimentaires aquatiques et produit la moitié de l’oxygène de l’atmosphère. Son étude est donc primordiale.
Il existe en écologie un principe universel : le principe d’exclusion compétitive. Ce principe, qui remonte à Georgii F. Gause en 1934, énonce que « deux espèces ayant les mêmes exigences écologiques ne peuvent coexister ». Autrement dit, il ne peut y avoir plus d’une espèce par niche écologique. Lorsque plusieurs espèces consomment les mêmes ressources, ce principe peut être reformulé de la manière suivante. « Il ne peut y avoir plus d’espèces que de ressources limitantes ». Ce principe, très bien vérifié en laboratoire, a été justifié mathématiquement par Smith et Waltman en 1977 dans le cadre d’un modèle simple de compétition pour une ressource en milieu homogène (il s’agit d’un système d’équations différentielles).
Le phytoplancton utilise différents nutriments, ou ressources, pour se développer. Cependant, en 1961, Hutchinson a observé que, dans un même écosystème, il est possible d’observer de très nombreuses espèces différentes de phytoplancton (de l’ordre de plusieurs milliers), même lorsque le nombre disponible de ressources est limité (de l’ordre de trois ou quatre). Cette observation contredit le principe d’exclusion compétitive et est communément nommée « le paradoxe du plancton ».
De nombreuses pistes ont été proposées afin de résoudre cet apparent paradoxe. En 1973, le mathématicien Droop s’est appuyé sur une étude plus fine de la croissance d’une cellule pour élaborer un modèle mathématique complexe, dit « modèle à quotas ». Selon ce modèle, les effectifs des différentes espèces présentent des oscillations permettant la coexistence pour une ressource. Plus généralement, la prise en compte de différents niveaux trophiques (comme l’ajout de prédateurs) produit des cycles (cf. la brève sur les systèmes proie-prédateur) permettant de lever le paradoxe.
Une autre approche consiste à prendre en compte des variations temporelles et/ou spatiales des différents paramètres (mortalité, consommation etc.). Cela conduit à des modèles plus complexes permettant de résoudre le paradoxe. Enfin, les travaux de Jef Huisman et Franz J. Weissing, publiés en 1999, montrent que si l’on considère la compétition pour trois ressources ou plus, des comportements complexes, et même chaotiques, se produisent, ce qui permet à un très grand nombre d’espèces de coexister.
Ces différents modèles sont bien plus complexes que le modèle simple de Smith et Waltman et sont un bel exemple de travaux à la frontière entre l’écologie théorique, la simulation numérique et les mathématiques.
Brève rédigée par Sten Madec (Université de Tours).
Pour en savoir plus :
- Un cours sur le paradoxe du plancton [en anglais].
- Un survol des différentes résolutions du paradoxe [en anglais].
- Une brève sur la dynamique entre proies et prédateurs.
- La thèse de Sten Madec «Hétérogénéité spatiale en dynamique des populations» soutenue en 2011.
- Les chroniques du plancton.
Crédits Image : Gordon T. Taylor, Stony Brook University, NOAA Corps Collection.
La contradiction peut-elle disparaitre si l’on considère que l’exclusion est toujours atteinte “asymptotiquement”, mais que la co-existence est un état intermédiaire (plus ou moins long) ?
Autre question, ces théories ont-elles été appliquées, à votre connaissance, aux réseaux sociaux ? Je voudrais savoir qui de Facebook ou de Twitter va s’éteindre le premier 😉
Bel article très bien écrit, j’aurais bien aimé avoir la suite.
Imaginer, les interactions entre des espèces comme un ludion se trouvant dans une zone d’équilibre, c’est vraiment passionant rien qu’à envisager. Merci pour cette information.
Cordialement