Modifier un paysage agricole pour limiter la propagation des épidémies ?

ce qu'on verra quand on passe la souris

Rouille brune du blé.

L’intensification de l’agriculture a amélioré de façon considérable la production alimentaire ces dernières cinquante années mais elle s’est accompagnée d’un impact croissant sur l’environnement. La modernisation de l’agriculture a en particulier entrainé une simplification de la structure des paysages agricoles, rendant nos agro-écosystèmes plus sensibles au risque épidémique. Proposer des solutions alternatives à l’utilisation massive de pesticides est maintenant un enjeu de la recherche en agronomie. La difficulté est de définir des stratégies de lutte qui soient suffisamment efficaces, applicables et qui ne réduisent pas le niveau de production. Une alternative à l’amélioration de la résistance génétique, qui présente l’inconvénient de l’adaptation des agents pathogènes (qui provoquent les maladies), est de répartir spatialement les variétés de façon à limiter la propagation de ces agents.

Dans le cadre de la propagation de la rouille brune du blé, les effets de la composition variétale et de la répartition spatiale des variétés d’un paysage sur la dynamique de l’agent pathogène ont été évalués. L’étude est basée sur un modèle épidémiologique type SEIR (Susceptible, Exposed, Infected, Removed) où sont représentés le cycle de vie du pathogène, les interactions hôte/pathogène et où l’hôte (le blé) a une structure spatiale particulière : une mosaïque de parcelles cultivées modélisée comme un pavage aléatoire. Les variétés ont été réparties, à l’aide d’un algorithme d’optimisation (le recuit simulé), sur les parcelles suivant un critère d’agrégation. La simulation du modèle a permis d’explorer une large gamme de scénarios où on a fait varier la répartition des parcelles agricoles, les niveaux de résistance des différentes variétés, leurs proportions respectives et leur répartition dans le paysage.

Modele

Schéma du modèle de dynamique de populations à l’échelle du paysage agricole.

Les simulations réalisées ont mis en évidence comment le déploiement d’une variété résistante dans un paysage pouvait abaisser le risque épidémique global. Elles ont aussi permis d’identifier des situations à risque dans lesquelles la variété résistante est fragilisée. Ainsi, dans un paysage abritant deux variétés réparties au hasard et un agent pathogène, la situation, plutôt bénéfique au départ, peut se dégrader car la variété résistante se trouve submergée par les spores produites par la variété sensible. La durabilité de la résistance est alors amoindrie par rapport à un paysage plus agrégé.
La distribution des variétés dans le paysage influence assez fortement l’évolution de la population pathogène à plus long terme. Les paysages dans lesquels les variétés sont agrégées sélectionnent préférentiellement des pathogènes spécialistes de chaque variété alors que les paysages diversifiés sélectionnent des généralistes, a priori moins agressifs sur chacune des variétés.

Simulation de différents scénarios d’allocation de deux variétés : 

Simulation de différents scénarios d’allocation de deux variétés : à gauche scénario complètement aléatoire, à droite scénario agrégé.

scénario complètement aléatoire.

2eme parcelle

scénario agrégé.

La législation européenne vise à mieux contrôler l’emploi des produits phytosanitaires, afin de garantir un niveau élevé de protection de l’environnement tout en préservant la compétitivité de l’agriculture communautaire. Dans ce contexte, la gestion collective des structures spatio-temporelles des paysages semble une voie prometteuse pour ralentir l’évolution des agents pathogènes et réduire le risque épidémique en milieu agricole. Il s’agit là d’appliquer le principe bien connu en écologie selon lequel une plus grande biodiversité augmente la résistance globale aux maladies.

Brève rédigée par Katarzyna Adamczyk, Kiên Kiêu, Hervé Monod (INRA MIA-Jouy), Christian Lannou, Julien Papaïx (INRA Bioger-CPP et INRA MIA-Jouy) d’après leurs propres travaux.

Pour en savoir plus :

  • Papaïx J. et al (2011), Influence of cultivated landscape composition on variety resistance: an assessment based on wheat leaf rust epidemics. New Phytologist 191: 1095-1107.
  • Van den Berg F. et al (2012), High levels of auto-infection inplant pathogens favour short latent periods: a theoretical approach. Evolutionary Ecology.
  • Le Ber F. et al, (2009),  Neutral modellingof agricultural landscapes by tessellation methods – application for gene flow simulation. Ecological Modelling, 220(24): 3536–3545.
  • Kiêu K. et al, (2013), A completely random T-tessellation model and Gibbsian extensions. Spatial Statistics, 6:118-138, ArXiv:1302.1809

Crédits images : INRA.

2 Commentaires

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

*