Au début du vingtième siècle, parallèlement à la naissance de la radiographie par rayons X, quelques mathématiciens de renom (dont J. Radon) s’intéressèrent à un certain type d’équations intégrales liées à la géométrie dans l’espace, auxquelles seuls quelques spécialistes en la matière pouvaient trouver un intérêt, parce qu’ils étaient les seuls à les comprendre… Ils ne se doutaient pas qu’elles allaient permettre de donner naissance, soixante-dix ans plus tard, au premier scanner dédié à l’imagerie médicale, bien plus performant que les anciennes radiographies. Ce fut une longue histoire, marquée par le décès d’un des mathématiciens initiateurs de celle-ci (S. Kaczmarz) dans les massacres de Katyn en 1940, par le talent multidisciplinaire d’un ingénieur de génie (G. Hounsfield), par le mécénat d’une société de disques (EMI) qui bénéficiait du succès mondial de 4 garçons dans le vent des sixties et enfin par l’avènement de la micro-informatique, dopée par la course à la lune en ces mêmes années… Technique non invasive pour retrouver la constitution précise de l’intérieur du corps humain par des mesures à base de rayons X, l’enjeu était important : plus besoin d’ouvrir un corps pour aller « voir » ce qu’il y a dedans : on venait d’entrer dans la troisième dimension… de l’imagerie médicale !
Depuis, cet enjeu a mis à contribution nombre de chercheurs, et les mathématiques y tiennent une place centrale. Les études affluent pour trouver des techniques d’investigation fiables, rapides et peu coûteuses en matériel. On est à présent capable de détecter des anomalies, lésions, tumeurs chez un patient. C’est la tomographie par rayons X et par émissions gamma qui a fait rentrer la radiologie et la médecine nucléaire dans le 21éme siècle.
Cela va même plus loin : en couplant ces techniques avec l’imagerie par résonance magnétique ou la tomographie par émission de positons, on peut examiner en temps réel comment « s’allument » certaines zones dans le cerveau d’une personne quand elle bouge, parle, est perturbée ou souffre. Mieux encore, quand celle-ci ressent des stimulations extérieures plus élaborées : bruits inquiétants ou musique apaisante, images effrayantes ou réconfortantes, ou quand on la sollicite pour effectuer certaines tâches, travaux, réflexions, des secteurs s’allument et s’éteignent successivement… laissant à penser qu’on pourra un jour mieux comprendre comment fonctionne notre cerveau.
Il faut cependant se garder de toute illusion prématurée ou excessive sur ce dernier point. L’être humain est une merveilleuse « machine », mais sa complexité réside encore probablement dans une échelle théorique et expérimentale assez éloignée de nos moyens d’investigation actuels. Faute de parvenir un jour à appréhender pleinement comment fonctionne le cerveau d’une femme ou d’un homme, c’est déjà un grand pas de tenter de la ou le soigner en explorant à distance l’intérieur de son corps. Un premier pas a été franchi au 20ème siècle en ce sens, grâce à l’imagerie médicale, et aux travaux conjoints de médecins, physiciens, informaticiens et… mathématiciens.
Brève rédigée par Jean-François Crouzet (Univ. Montpellier 2), Denis Mariano-Goulart (CHRU Montpellier) et Fayçal Ben Bouallègue (CHU de Montpellier et Univ. Montpellier 1).
Pour en savoir plus :
- Voir le site du Département de Biophysique et Médecine Nucléaire de l’UM1 et du CHU de Montpellier.
- Sur le site sus-mentionné, voir la page des publications de F. Ben Bouallègue.
- Ainsi que la page des publications de D. Mariano-Goulart.
Crédits images : Service de Médecine Nucléaire du CHU de Montpellier.
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