Notre terre navigue dans la banlieue d’une galaxie de taille moyenne, la voie lactée. La dynamique de ces corps célestes est une source de fascination intarissable pour les mathématiciens. Si une galaxie vient à être perturbée par son environnement, ne serait-ce qu’un tout petit peu, va-t-elle conserver une configuration proche ou au contraire changer complètement (voire exploser) ? Suivant les cas, on parle alors de stabilité ou d’instabilité.
Au 18ème siècle, Joseph Louis Lagrange consacre une grande partie de ses travaux à la question de la stabilité du système solaire. Au début du 20ème siècle, Henri Poincaré exhibe un exemple de système avec instabilité fondamentale, dite “chaotique”, c’est-à-dire dont la prédiction devient impossible. Une galaxie contient au bas mot 100 milliards d’étoiles. La modélisation d’un système gravitationnel aussi gigantesque requiert des outils nouveaux. Un modèle utilisé emprunte les idées révolutionnaires de Ludwig Boltzmann (19ème siècle) : Décrire de manière statistique l’évolution de N corps lorsque N est très grand et que ces corps sont suffisamment peu corrélés, à travers une équation aux dérivées partielles non-linéaire obtenue en considérant la limite N tendant vers l’infini.
Cette approche a d’abord été appliquée aux cas de gaz collisionnels pour donner l’équation de Boltzmann. Cependant, les collisions entre les étoiles d’une galaxie sont très rares et l’interaction entre elles se fait essentiellement à distance via le champ gravitationnel. Dans les années 1930, Anatoly Vlasov a découvert comment effectuer la limite lorsque N tend vers l’infini dans ce cas non-collisionnel afin d’obtenir l’équation de Vlasov-Poisson dans sa version gravitationnelle. Cette équation décrit avec une grande précision l’évolution de systèmes stellaires sur de grandes échelles de temps.
En revisitant une série de travaux des physiciens Lynden-Bell et Antonov dans les années 1960 consacrés à un modèle simplifié du système de Vlasov-Poisson gravitationnel, et en important de nouvelles idées issues du calcul des variations (branche des mathématiques fondée par J.-L. Lagrange pour résoudre des problèmes nécessitant de trouver une fonction rendant minimale ou maximale une quantité donnée), la conjecture des astrophysiciens sur la stabilité de certains amas galactiques dits “sphériques décroissants” a été récemment montrée.
Il reste pourtant encore beaucoup de travail. Que l’on étudie la dynamique céleste aux confins de l’univers ou la dynamique des fluides dans un verre d’eau, ce que l’on comprend si mal, c’est ce qui rend ces dynamiques instables ! Toutefois, des simulations numériques pourraient aider à identifier les responsables de certaines instabilités observées, comme cela a été le cas pour les mouvements des planètes du système solaire.
Brève rédigée par Mohammed Lemou, Florian Méhats (Univ. Rennes 1) et Pierre Raphaël (Univ. Nice).
Pour en savoir plus :
- M. Lemou, F. Méhats et P. Raphaël (2012), «Orbital stability of spherical galactic models», Inventiones Math., Vol. 187 pp. 145–194 [En anglais].
- J. Binney, S. Tremaine (1987), « Galactic Dynamics,» Princeton University Press[En anglais].
- Pour approfondir : un cours post-master sur la dynamique des Galaxies.
- Un article grand public sur la dynamique des galaxies et les progrès des simulations numériques.
- [Audio] L’équation de Vlasov-Poisson expliquée par C. Villani
Crédits image : astronomija.
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