Du petit escargot d’aujourd’hui aux grands paysages d’hier

Tri des échantillons malacologiques à la loupe binoculaire.

Si tout le monde (ou presque) connaît l’Escargot de Bourgogne, qui connaît la caragouille rosée ou encore l’ambrette élégante ? Personne si ce n’est le malacologue, c’est-à-dire le spécialiste des mollusques. Il faut dire que ces animaux sont souvent minuscules et à peine visibles à l’œil nu. Du fait de leur petite taille et de leur mode de locomotion très lent, la majorité des espèces terrestres ne se déplace que de quelques mètres au cours de leur courte vie. En raison de ce caractère très local des malacofaunes, beaucoup d’espèces possèdent des exigences écologiques bien définies, inféodées à un certain type d’habitat, si bien qu’elles se développent, migrent et parfois disparaissent avec lui. Par exemple, si une forêt est coupée, les espèces affectionnant l’ombrage sont rapidement concurrencées par des espèces mieux adaptées au nouveau milieu ouvert.

Les mollusques apparaissent donc comme de formidables indicateurs environnementaux, très sensibles aux moindres variations des milieux qu’ils peuplent. Depuis une quarantaine d’années, quelques chercheurs travaillent sur ces animaux en étudiant des coquilles retrouvées parmi les fouilles archéologiques, ces dernières pouvant se conserver sur de très longues durées une fois enfouies sous terre. Grâce aux travaux menés sur l’écologie des faunes actuelles, ils raisonnent par analogie sur les faunes fossiles et étudient l’évolution du climat et de la végétation au cours du temps. Par exemple, dans certains niveaux préhistoriques du Bassin parisien, ils ont retrouvé des mollusques vivant actuellement en Scandinavie ou dans les zones alpines, signes qu’un climat glaciaire s’abattait alors sur la région ! Cependant, pour aboutir à ce résultat, la tâche est ardue car ils doivent prendre en compte un grand nombre de données. Trop pour pouvoir en faire une lecture instinctive.

Une fois les espèces identifiées et leurs individus respectifs comptabilisés, l’exploration des données est donc effectuée au renfort d’outils mathématiques (calcul de pourcentages, analyse factorielle des correspondances). Une approche statistique est, par exemple, systématiquement engagée dans le but de mesurer la proportion d’espèces de milieu humide par rapport à celles de milieu sec. Outre cette approche descriptive, d’autres méthodes sont également engagées. Grâce à des indices de diversité, mis au point par des écologues, il est par exemple possible d’appréhender la biodiversité non comme une valeur absolue, s’intéressant uniquement au nombre d’espèces, mais comme une valeur relative prenant en compte le nombre d’individus par espèce (indice de Shannon). En définitive, sans les mathématiques, le malacologue ne pourrait pas dire grand-chose. De même, sans ordinateur pour faire ces calculs il avancerait au rythme d’un escargot.

Brève rédigée par Salomé Granai (Université Paris 1) d’après ses propres travaux.

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Crédits images : Nicole Limondin-Lozouet.

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