La population d’environ 70% des espèces de poissons commerciales décline depuis plusieurs dizaines d’années et l’ensemble des moyens devant être mis en œuvre pour pêcher une même quantité augmente au cours du temps. Des études mathématiques permettent d’analyser les causes de cette dégradation rapide des stocks, en reliant via des modèles les principales étapes de la vie des stocks de poissons (par exemple l’abondance à un certain âge) à des conditions externes. Celles-ci peuvent être dues à des facteurs humains, comme la pêche commerciale, ou climatiques, comme la température de l’eau, ou peuvent encore être liées à la prédation.
Ce travail de modélisation doit donc être issu de nombreux échanges entre biologistes, écologues et mathématiciens. Pour être manipulables, ces modèles restent nécessairement simplistes, et doivent prendre en compte l’incertitude afin d’offrir une image réaliste des évolutions de la population de poissons. De plus en plus, les variables décrivant la biomasse au cours du temps sont donc considérées comme aléatoires.
Les paramètres guidant ces modèles de dynamique de population, comme les taux de reproduction ou de prédation, doivent alors être estimés. De par la taille et l’opacité du milieu océanique, les observations des dynamiques sont très parcellaires et indirectes : seules des pêches scientifiques et commerciales (parfois sous-évaluées) permettent de quantifier la biomasse. On peut parfois s’appuyer sur la connaissance des liens entre l’état du milieu et la biologie des animaux, qui résulte souvent d’expériences en laboratoire. Par exemple la capacité reproductive d’un individu est liée à la variation de température de la colonne d’eau où il évolue.
Spécialiste du traitement des incertitudes, le statisticien-probabiliste prend alors le relais du dynamicien et met en œuvre des méthodes permettant d’une part d’estimer ces paramètres et d’autre part de définir certaines grandeurs-clés, comme la taille de la population à l’équilibre. Il s’agit d’une grandeur dont les fluctuations reproduisent celles d’une biomasse pêchée lorsque les conditions d’exploitation sont équilibrées dans le temps (taux de pêche constant). Une fois que la relation entre population à l’équilibre et taux d’exploitation est comprise, l’optimisation de ce taux d’exploitation définit le rendement maximal durable, ou maximal sustainable yield (MSY). Ce quota de pêche induit, du point de vue du modèle utilisé, une exploitation pérenne du stock en permettant un renouvellement régulier de la ressource. Ce principe de gestion a été favorisé au Sommet mondial sur le développement durable de 2002 à Johannesburg.
Dans le cadre de plus en plus utilisé de l’écosystémique des pêches, qui cherche à représenter l’ensemble des interactions entre les stocks exploités, les acteurs de l’exploitation et les conditions naturelles, les modèles de dynamique de population se complexifient fortement depuis quelques années. De nouvelles contraintes liées à la situation socio-économique des pêcheurs apparaissent et la gestion des nombreuses incertitudes affectant les modèles représente donc un défi croissant pour les statisticiens modélisateurs et estimateurs.
Brève rédigée par >Nicolas Bousquet, d’après ses travaux avec Thierry Duchesne et Louis-Paul Rivest (>Université de Laval).
Pour en savoir plus :
- Nicolas Bousquet, Thierry Duchesne, Louis-Paul Rivest (2008)«> Redefining the maximum sustainable yield for the Schaefer population model including multiplicative environmental », Journal of Theoretical Biology.
- Une mer sans poissons (Ph. Cury, Y. Miserey). Calman-Levy, 2011.
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