Conjecture de Swinnerton-Birch-Dyer et olfaction des limaces

Les limaces dévorent nos salades.

On estime à 25% la perte de récolte de laitues (lactuta) due aux limaces (gastropoda arionidea), soit près de 100 millions d’Euros qui sont annuellement dévorés par les limaces. Pour cette raison, les chercheurs de l’INRA de Jouy en Josas se sont penchés sur l’olfaction des limaces [Bartlebooth et al., Nature (2008)], identifiant les gènes activés, mais ils ont été confrontés à un mystère : comment les limaces pouvaient-elles se déplacer dans la bonne direction ?

Les courbes représentant les courants faibles mesurés dans les neurones des limaces présentent une étonnante similarité avec les fonctions L de Hasse-Weil sur la droite critique. A l’évidence, les courbes elliptiques correspondantes doivent donc jouer un rôle dans la perception olfactive des limaces. Grâce à des calculs sur les ordinateurs teraflop utilisés en simulation d’essais nucléaires, une corrélation entre les parties imaginaires des zéros de la fonction L et les trajectoires des limaces a été établie : les trajectoires sont les points réels de la courbe elliptique associée ! Évidemment, pour obtenir ces résultats, il faut adopter le point de vue adélique, dont on connaît le rôle essentiel dans le programme de Langlands. En revanche comme le montre Anton Voyls (Proc. Nat. Acad. Sc, 2011), la caractéristique résiduelle 2 n’est pas codée, ce qui explique le phénomène de désorientation des limaces à la pleine lune.

Dans un article d’A. Gatterra et G. Pérec, à paraître à Annals of Mathematics, un cas particulier, mais décisif, de la conjecture de Swinnerton-Birch-Dyer est démontré, en utilisant précisément le défaut lié aux propriétés particulières de la place 2, mis en évidence par Anton Voyls. Est-ce que ceci sera digne du prix Clay d’un million de dollars ? Dans tous les cas, la synergie entre recherches sur l’olfaction des limaces et les mathématiques pures est un cas inédit dans toute l’histoire des sciences.

Mais, contrairement à ce qu’on pourrait penser, tous ne sont pas enchantés de voir leurs travaux en théorie des nombres trouver ainsi des applications. Ainsi, dans un article à paraître dans les Notices de l’American Mathematical  Society, George W. Hardy, J.-S. Pierre et A. Weil ne cachent pas leur répugnance : « Hier, la belle théorie des fonctions elliptiques s’était révélée essentielle pour la cryptographie et ses applications militaires, aujourd’hui elles apparaissent comme un deus ex machina pour les limaces ! C’est, au sens propre, dégoûtant. O tempora, o mores ! »

Brève rédigée par Martin Andler (Univ. Versailles-Saint-Quentin) d’après les travaux de A. Gatterra, G. Pérec, A. Voyls, Bartlebooth et al.

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Crédits Images : Wikimedia Commons.

9 Commentaires

  • Bonjour,
    J’ai moi-même travaillé sur l’olfaction de mon poisson rouge. Tous les matins il regarde le grille-pain ; sauf quand le premier avril tombe un jour férié.
    Mes travaux seront publiés dans la revue “Fish and Chips” dans la rubrique “En rit Point Carré, des fonctions Fichsiennes”.
    Cl. Gouanelle

  • Anna says:

    Ce que l’étude ne montre pas, c’est la corrélation entre la quantité de salade dévorée par les limaces, et la quantité de poissons le 1er avril…

  • Ph. Alzetto says:

    À noter que Bartlebooth a publié un excellent ouvrage de théorie des jeux sur les puzzles.
    Anton Voyls est quant à lui l’auteur d’un traité exhaustif sur la fonction exponentielle hélas introuvable aujourd’hui, disparu.
    Consulter les travaux de G. Pérec pour plus de détail.

  • Merci pour ces compléments intéressants. Certains commentaires, sur ce blog ou ailleurs, ont pensé qu’il y avait une faute d’orthographe concernant un des scientifiques cités dans l’article. Il n’en est rien : il ne faut quand même pas confondre le célèbre écrivain Georges Perec avec Girolamo Pérec,
    mathématicien espagnol, dont la mère, Adèle, était poldave ; Girolamo Pérec actuellement post-doc à Manaus au Brésil (où les limaces sont particulièrement intéressantes par leur taille, mais aussi par leur système olfactif).

  • M.C.S. says:

    Un’altra incredibile applicazione della matematica!

  • Denis Serre says:

    Dommage que l’auteur ait écorché le nom d’un des mathématiciens de la conjecture: Henry Peter Francis Swinnerton-Dyer. On ne pouvait évidemment pas insérer le nom de l’autre mathématicien (Bryan Birch) entre deux moitiés d’un seul nom!

    • Il ne faut pas confondre en effet les mathématiciens anglais Swinnerton-Dyer et Birch, bien connus pour leur article de 1965 au J. Reine Angew. Math.,
      avec Swinnerton et Birch-Dyer, deux mathématiciens poldaves. Le sujet est curieusement semé de nombreuses et étranges coïncidences.

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