Points de Lagrange et missions interplanétaires

Représentation artistique des «courants de gravité»

Pouvoir voyager loin dans l’espace interplanétaire est un vieux rêve qui n’est pas si fou. Et ce sont les mathématiques qui nous le disent. En effet, il existe des sortes de courants de gravité, similaires aux courants marins : un caillou placé sur l’un de ces courants va naturellement se laisser porter, de manière parfaitement calculable et donc prédictible. En revanche, à l’instar des courants marins, cette dérive est lente. Ainsi, l’utilisation de ces courants permet d’envisager des missions spatiales lointaines (robotisées, car lentes) qui sont quasi-gratuites en termes de consommation d’énergie.

Disons maintenant les choses de façon un peu plus précise. Ces courants, dessinés sur l’image ci-contre, sont en fait des ensembles de trajectoires d’un “petit” corps solide (par exemple un engin spatial) quand il est dans le champ de gravité de deux “grands” corps célestes (par exemple le Soleil et la Terre). Ces trajectoires ont la particularité de se refermer : au bout d’un certain temps, on revient à son point de départ. C’est ce qu’on appelle des orbites périodiques.

Plus généralement, le problème dit des trois corps restreints est un classique de la mécanique céleste : deux corps sont très massifs (par exemple, le Soleil et la Terre), et le troisième corps est de masse négligeable par rapport aux deux autres (par exemple, une pierre, un engin spatial). L’évolution en temps des positions des trois corps soumis à la gravité est modélisée par des équations qui sont connues depuis longtemps. Il existe des positions particulières de ces trois corps qui font qu’ils ne bougent plus : ce sont des points d’équilibre. Et parmi ces points d’équilibre, 5 d’entre eux ont des propriétés remarquables : ce sont les points de Lagrange. Ces propriétés sont utiles pour l’observation et l’élaboration de missions spatiales. Ce sont d’excellents points d’observation ; ainsi le James Webb Space Telescope qui succédera à Hubble sera placé au point de Lagrange appelé L2 dans le système Soleil-Terre. Ce sont aussi de remarquables sites pour relayer les transmissions. Par exemple, un seul satellite orbitant autour de L2 permettrait de communiquer en permanence avec la face cachée de la Lune.

Comme nous le disions un peu plus haut, ces propriétés proviennent des particularités du champ gravitationnel dans les problèmes à trois corps. En effet, il existe des orbites périodiques (orbites de Halo, orbites de Lissajous) autour des points de Lagrange, au voisinage desquelles on peut rester avec un effort très faible en termes de consommation d’énergie. Mathématiquement, cela fait appel à la théorie du contrôle optimal et de la stabilisation, qui sont des branches des mathématiques visant à contrôler des systèmes sur lesquels on a une action (contrôle, commande).

 

Brève rédigée par Emmanuel Trélat (Univ. Paris 6), d’après ses travaux avec Grégory Archambeau (EADS Astrium), puis avec Maxime Chupin (Univ. Paris 6), Thomas Haberkorn (Univ. Orléans), et Philippe Augros (EADS Astrium).

Pour en savoir plus :

Crédit Image : Nasa (domaine public).

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