Que va devenir le système solaire ?

Exemple d’évolution à long terme des orbites des planètes telluriques : Mercure (blanc), Vénus (vert), Terre (bleu), Mars (rouge). Le temps est indiqué en milliers d’années (kyr).

A la fin de son Traité d’Optique, Newton affirmait que Dieu devait de temps à autre remettre en ordre un système solaire que les influences mutuelles des planètes (et aussi des comètes) finissaient par déranger. Cette affirmation fut alors combattue par Leibniz comme incompatible avec la perfection de Dieu. A partir du 18ème siècle apparurent plusieurs démonstrations mathématiques de stabilité du système solaire, qui différaient dans l’ordre d’approximation et donc dans l’ordre de grandeur des temps pendant lesquels elles gardaient une pertinence pratique.

Ceci fera écrire à Poincaré (Sur la stabilité du système solaire, Annuaire pour l’an 1898 du Bureau des Longitudes) : « Les personnes qui s’intéressent aux progrès de la mécanique céleste, mais qui ne peuvent les suivre que de loin, doivent éprouver quelque étonnement en voyant combien de fois on a démontré la stabilité du système solaire. Lagrange l’a établie d’abord, Poisson l’a démontrée de nouveau, d’autres démonstrations sont venues depuis, d’autres viendront encore. Les démonstrations anciennes étaient-elles insuffisantes, ou sont-ce les nouvelles qui sont superflues ? L’étonnement de ces personnes redoublerait sans doute, si on leur disait qu’un jour peut-être un mathématicien fera voir, par un raisonnement rigoureux, que le système planétaire est instable. Cela pourra arriver cependant. Il n’y aura là rien de contradictoire, et cependant les démonstrations anciennes conserveront leur valeur. »

Sur des durées de quelques dizaines d’années, l’influence des autres planètes est négligeable et chacune décrit approximativement une ellipse (celle de Kepler) dont le foyer est le Soleil. Cette ellipse est caractérisée par son demi-grand axe (sa taille), son excentricité (son aplatissement), son périhélie (le point de l’orbite le plus rapproché du Soleil), son inclinaison (l’angle de son plan avec le plan de l’écliptique) et enfin son nœud (l’intersection de ces deux plans).

Au cours des siècles, ces grandeurs varient lentement. En particulier, les nœuds et les périhélies des planètes sont animés de lents mouvements de précession. La stabilité dans l’approximation de Laplace et Lagrange impliquait l’invariabilité des demi-grands axes planétaires et une variation demeurant petite des excentricités et des inclinaisons. Depuis la fin des années 80, les travaux de Jacques Laskar et de ses collaborateurs ont montré l’instabilité du système solaire sur de très grandes durées :

  1. Au bout de cent millions d’années, il devient impossible de prédire la position angulaire des périhélies et des nœuds ;
  2. Au bout de cinq milliards d’années, des collisions entre les planètes pourraient se produire, Mercure pourrait s’échapper du système solaire.

L’ordinateur jouant un rôle prépondérant, il ne s’agit pas de démonstrations rigoureuses au sens où l’imaginait Poincaré mais il est remarquable que ces études identifient les responsables de l’instabilité comme étant des résonances séculaires, c’est-à-dire des rapports (approximativement) rationnels entre les fréquences de précession des périhélies et des noeuds des planètes.

Brève rédigée par Alain Chenciner (Observatoire de Paris et Université Paris-Diderot).

Pour en savoir plus : Une conférence filmée de Jacques Laskar, Chaos dans le système solaire.

Crédits images : Jacques Laskar, ASD/IMCCE-CNRS.

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