Simuler les structures géologiques

Delta de la rivière Lena.

Delta du fleuve Lena (Sibérie) en fausses couleurs.

Comment évaluer l’impact d’une contamination dans une nappe phréatique ou le potentiel d’un gisement pétrolier quand on ne peut pas voir le milieu qui les contient ?

Que ce soit en hydrogéologie ou pour l’exploration pétrolière, connaître la structure géologique du sous-sol est un élément crucial pour la prise de décision. Or, le milieu souterrain est très hétérogène et sa structure extrêmement complexe. Les données directes sont toujours en nombre limité, rendant ainsi la modélisation nécessaire mais difficile. Une démarche consiste alors à générer des images plausibles du sous-sol par des techniques de simulation.

La technique appelée statistiques multipoints utilise comme modèle une image, appelée image d’entrainement et illustrant les structures à reproduire. Elle peut par exemple provenir de la cartographie d’un affleurement géologique présentant des structures analogues à celles attendues sur le site à modéliser.

Sur l’image d’entrainement, on calcule les fréquences empiriques de tous les motifs observés. On génère ensuite une nouvelle image, pixel par pixel, de manière à conserver les mêmes fréquences pour les motifs observés sur l’image d’entrainement. On peut éventuellement tenir compte de contraintes supplémentaires de nature géophysique par exemple. On obtient ainsi des séries de nouvelles images, contenant des structures similaires à l’image d’entrainement, qui reproduisent la texture et les motifs à petite échelle. Elles ne sont toutefois pas rigoureusement identiques, car les grandes structures peuvent différer fortement d’une réalisation à l’autre.

Dans l’illustration ci-dessous, les statistiques multipoints sont utilisées pour la simulation d’un delta. En (a) figure la carte géologique, c’est l’image d’entrainement. La figure (b) représente la topographie (les altitudes) de l’image d’entrainement et la figure (c) la topographie de la région à simuler, différente de celle de l’image d’entrainement qui tient lieu de contrainte supplémentaire. Les illustrations (d-f) sont trois réalisations de la carte géologique : les motifs sont les mêmes que ceux de la carte d’entrainement et la topographie de la région à simuler est respectée.

MultiPointsFig1

Simulation d’un delta.

En générant ainsi un grand nombre d’images alternatives du sous-sol, les géologues peuvent évaluer l’incertitude sur le modèle géologique qu’ils sont en train de construire et prendre en compte cette incertitude dans les processus de décision ou de conception d’ouvrages souterrains (système de décontamination d’une nappe, puits d’exploitation, etc.).

Initialement prévue pour simuler des classes (par exemple le type de roche), la technique des statistiques multipoints a été étendue à la simulation de propriétés continues (comme la porosité ou la perméabilité des roches). Ce nouveau pas dans le développement de la méthode ouvre la voie à son utilisation dans de nombreuses applications, comme la reconstruction de milieux poreux en 3D, la simulation de topographies à partir d’images Lidar ou encore la simulation de précipitations à l’échelle journalière.

L’illustration ci-dessous montre un exemple d’application des statistiques multipoints à des données manquantes sur des images satellitaires. Les trois colonnes représentent, de gauche à droite, le flux de chaleur latente (LH), la température de surface (TSK) et l’humidité du sol (SMOIS) dans le sud-est de l’Australie. La ligne du haut représente les données utilisées pour la reconstruction. Les bandes bleues correspondent aux zones non informées dues aux caractéristiques orbitales du satellite. Ces données ont été retirées du jeu de données initial pour le test. La ligne suivante présente les cartes simulées et la ligne du bas représente les cartes complètes de référence.

MultiPointsFig2

Reconstruction des cartes de l’Australie du Sud-est.

On voit que les caractéristiques principales des différentes cartes ont bien été reconstituées.

Brève rédigée par Dimitri D’Or et Alexandre Walgenwitz (Ephesia Consult), Philippe Renard et Julien Straubhaar (Université de Neuchâtel).

Pour en savoir plus :

  • Un exposé sur le multipoint.
  • Le projet  Ensemble dont l’objet est de modéliser les nappes phréatiques.
  • G. Mariethoz, M. F. McCabe and P. Renard (2012), Spatiotemporal reconstruction of gaps in multivariate fields using the direct sampling approach. Water Resources Research. doi:10.1029/2012 WR012115 [en anglais]

Crédits images : Wikimedia Commons, P. Renard.

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