Voir les trous noirs

Comment voir un trou noir ?

Comment voir un trou noir ?

La théorie de la relativité générale explique comment les rayons lumineux sont déviés par les objets massifs. Les trous noirs apparaissent comme des solutions particulières des équations d’Einstein, mises en évidence par Roy Kerr il y a tout juste 50 ans. Comprendre les trous noirs et mettre au point des techniques pour les observer repose sur une étude de ces solutions. Aujourd’hui, on ne dispose que d’observations indirectes de trous noirs, c’est-à-dire que la présence d’un trou noir est l’explication la plus simple des phénomènes observés. L’enjeu est donc d’exhiber théoriquement des preuves directes de leur existence, en vue d’une observation expérimentale future.

Interaction avec la lumière. Près d’un trou noir, les rayons lumineux sont piégés sur les grands cercles de la sphère 3GM/c^2 : des photons sont satellisés ! Au voisinage de cette sphère des photons, d’autres rayons lumineux tournent autour du trou noir. Ces mirages gravitationnels dévoilent à l’observateur les objets situés derrière le trou noir et en démultiplient à l’infini les images. Ce phénomène est analogue aux gloires observées par les alpinistes et les aviateurs. Le calcul théorique et numérique des chemins suivis par la lumière permet de faire des images réalistes du spectacle de l’environnement d’un trou noir. On peut aussi étudier la diffraction de la lumière par un trou noir, comme on décrit la diffusion d’une onde radar par un avion. L’analyse mathématique de cette propagation est maintenant bien comprise. Des recherches actuelles portent sur le problème inverse, consistant à caractériser le trou noir à partir d’observations lointaines.

Interaction avec la matière. Quand un objet tombe dans un trou noir, plusieurs phénomènes sont possibles. Si le trou noir est en rotation, le processus de Penrose assure que l’objet peut repartir vers l’infini avec une énergie supérieure, après avoir absorbé une partie de l’énergie cinétique de rotation du trou noir. L’analyse mathématique de ce phénomène, encore balbutiante, pose des problèmes redoutables. L’objet peut également être absorbé : le trou noir émet alors des ondes gravitationnelles, de la même manière qu’une cloche émet des ondes acoustiques quand elle est frappée. Les fréquences de ces ondes gravitationnelles sont caractéristiques du trou noir et ne dépendent que de sa masse et son moment angulaire. Leur calcul et leur répartition sont l’objet d’intenses études mathématiques et numériques.

Effet Hawking. Quand on marie la relativité générale et la mécanique quantique, un autre phénomène fascinant apparaît. Dans ce cadre, le vide n’est pas le néant, mais un milieu fluctuant rempli de paires de particules et antiparticules virtuelles qui s’annihilent constamment. Au bord d’un trou noir, un membre de la paire peut en franchir le bord, devenant ainsi réel et définitivement absorbé. L’autre membre de la paire devient aussi réel et émis par le trou noir. Un trou noir n’est pas noir ! Il rayonne comme un charbon ardent. Hawking a conjecturé en 1973 une expression pour la température d’émission, formule maintenant mathématiquement établie. Cette température est insignifiante dans le cas des trous noirs de masses stellaires mais elle est très élevée pour les trous noirs de type particules élémentaires, ce qui permet de conjecturer l’évaporation de tels trous noirs qui disparaîtraient en émettant ce rayonnement. Cette rétro-action expliquerait qu’on ne puisse observer ces micro-trous noirs, ni en fabriquer dans les grands accélérateurs. Pour nous rassurer totalement, il faudrait faire l’analyse mathématique de ce phénomène mais c’est là un problème ouvert de difficulté colossale…

Brève redigée par Alain Bachelot (Univ. de Bordeaux, Institut de mathématiques).

Pour en savoir plus :

  • John Archibald Wheeler, « A Journey into Gravity and Spacetime », Freeman, 1999.
  • Jean-Pierre Luminet, « Les trous noirs », Le Seuil, Point Sciences, 1992.
  • Brève connexe : « Les mathématiques des trous noirs ».

Crédits Images : Phil Armitage et Chris Reynolds.