A la recherche des longitudes

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Le chronomètre de Harrison

Au XVIIème siècle, alors que la navigation vers les Indes orientales et occidentales se développe et que l’exploration du Pacifique commence, le besoin de se repérer en pleine mer devient crucial : des explorateurs découvrent des terres, mais personne n’arrive ensuite à les retrouver ! La solution couramment utilisée actuellement consiste à déterminer sa latitude (la distance à l’équateur) et sa longitude (la distance à un méridien donné).

Mesurer la latitude est aisé : on repère au sextant la hauteur de l’étoile Polaire sur l’horizon. Des tables ont aussi été dressées pour se baser sur la hauteur du Soleil ou de quelques étoiles majeures. Pour trouver sa longitude, la méthode est a priori très simple : il suffit de connaître son décalage horaire avec le méridien choisi comme origine (aujourd’hui, celui de Greenwich). 1 heure de décalage correspond à 360/24=15 degrés de longitude. Simple… sauf qu’en 1600, sur un navire perdu au milieu de l’océan, on peut connaître l’heure locale, mais pas celle de Greenwich ! Aucune horloge n’est alors capable de rester à l’heure pendant un voyage mouvementé de plusieurs mois. Et une erreur de seulement 5 minutes revient à se tromper de 150 km ! Les rois d’Espagne et d’Angleterre promettent des récompenses fabuleuses à celui qui trouvera une solution. De nombreuses méthodes sont alors expérimentées, mais sans succès :

  • La mesure de vitesse par le loch (une corde à nœuds flottante dévidée à l’arrière du bateau) ne convient pas si la vitesse et la direction du navire changent sans cesse.
  • L’angle entre l’aiguille de la boussole et l’étoile Polaire varie en fonction de la longitude, mais aussi de la latitude, et on ne parvient pas à calibrer ces variations.
  • On peut mesurer l’heure d’une éclipse de Lune, dont on connaît l’heure prévue en Europe. Hélas, il est rare d’en observer, et les prévisions astronomiques ne sont pas encore assez fiables.
  • L’observation des occultations par Jupiter des quatre satellites que Galilée vient de lui découvrir, est peut-être la piste la plus prometteuse. Malheureusement, pour voir ces petites lunes, il faut une lunette astronomique performante, dont seuls les meilleurs observatoires à terre sont alors équipés. Sans compter la difficulté de garder une visée précise sur un navire qui tangue ! La mesure du décalage entre la Lune et certaines étoiles fixes, à une heure donnée, pose les mêmes problèmes pratiques.

Ce n’est finalement pas d’un astronome, mais de l’horloger anglais John Harrison que viendra une première solution satisfaisante. Celui-ci introduit un balancier circulaire rapide contrôlé par un ressort spiral avec compensation de température. Le chronomètre marin qu’il parvient à fabriquer en 1759 est testé sur un voyage transatlantique et ne retarde que d’une seconde tous les trois jours ! Et pourtant il lui faudra batailler près de 15 ans pour enfin recevoir une récompense du parlement anglais… Ses chronomètres ont été depuis conservés à l’observatoire de Greenwich. Et le problème de la longitude est resté suffisamment symbolique pour que l’organisme public en charge d’établir les éphémérides astronomiques s’appelle encore aujourd’hui le Bureau des longitudes.

Brève rédigée par Vincent Langlois (Université Claude Bernard Lyon 1).

Pour en savoir plus :

  • Le roman d’Umberto Eco « L’île du jour d’avant » met en scène les intrigues d’espionnage auxquelles se livrent les nations européennes pour la possession du secret des longitudes. Il raconte la confusion née du choc entre les découvertes scientifiques du XVIIème siècle et l’interprétation biblique du monde.
  • Longitude : l’histoire vraie du génie solitaire qui résolut le plus grand problème scientifique de son temps, Dava Sobel, Points Sciences, Seuil, 1998.
  • Le site internet du Bureau des longitudes :

Crédit images : Wikimedia commons.

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