Des vagues hors du commun

Deux vues d’une Grande Vague : (a) par Hokusai ; (b) par la Nature.

L’une des images les plus célèbres de l’art japonais est la Grande Vague de Kanagawa. Cette estampe du peintre Hokusai montre une énorme vague sur le point de se briser sur les frêles bateaux qui lui font face. Sa notoriété a dépassé le domaine artistique pour atteindre les mathématiques, jusqu’à faire la couverture d’une revue spécialisée.

La vague d’Hokusai illustre la formation d’une vague scélérate, un phénomène complexe dont la compréhension constitue un véritable défi scientifique. Ces vagues monstrueuses (freak waves ou rogue waves en anglais) qui semblent surgir de nulle part sont, par définition, au moins deux fois plus hautes que les vagues environnantes. La photographe Véronique Sarano a pu saisir la formation d’une de ces vagues (ici d’environ 6m de haut) à partir du brise-glace français l’Astrolabe, à la surface de l’océan Austral. La ressemblance avec l’estampe d’Hokusai est assez frappante.

Si leur existence est reconnue, le mécanisme de génération des vagues scélérates est encore mal compris. Il semble résulter de l’influence de la topographie du fond marin ou encore d’interactions entre plusieurs trains de vagues, de directions et de phases différents, ou même de leur combinaison. Une question importante consiste à déterminer si la formation d’une telle vague est imputable aux non-linéarités dans les équations qui la décrivent, ou bien si des mécanismes seulement linéaires peuvent suffire à en rendre compte.

En 2009, J. H. E. Cartwright et H. Nakamura avancent une explication fondée sur des effets non linéaires. Toutefois, on a pu montrer plus récemment qu’un mécanisme purement linéaire permet de reproduire la focalisation directionnelle qui caractérise la Grande Vague. Des résultats typiques de la modélisation numérique de ce processus sont présentés dans la figure 2. On y voit l’énergie se concentrer au centre de la figure pour y produire une vague sensiblement plus haute que son environnement, comme celle qu’on voit sur l’estampe et la photo. Ainsi, la compréhension des vagues scélérates progresse, mais reste l’objet de nombreuses questions ouvertes.

 

Résultats numériques montrant la focalisation directionnelle d’un train d’ondes périodiques vers une vague extrême.

Brève rédigée par John M. Dudley (Université de Franche-Comté) et Frédéric Dias (University College Dublin).

Pour en savoir plus :

Crédit images :

  • Met. Museum of Art New York (domaine public).
  • V. Sarano.
  • F. Dias, J. M. Dudley.

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