Désert et maths

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Brousse tachetée, Parc du W, Niger.

Les régions arides et semi-arides couvrent plus de 40% des terres émergées et hébergent plus de 2 milliards de personnes. Une grande partie en est menacée par le phénomène de désertification. Ce terme désigne une chute lente et irréversible de la production de biomasse induite par un changement de l’environnement. Si le climat en est le facteur principal, ses effets sont souvent accélérés par l’action de l’homme, ce qui en rend l’étude difficile.

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Brousse tigrée, Niger.

L’expérimentation sur le terrain et en laboratoire ne suffit pas à donner les clés des mécanismes en jeu dans le phénomène de désertification, qui se déroulent à des échelles de temps et d’espace très différentes. Les modélisations mathématiques de l’interaction entre plantes et eau sont précieuses car elles permettent de prédire la répartition dans l’espace des modifications de la végétation. C’est important, car en terrain aride, la végétation se répartit de façon inhomogène.

On a observé depuis les années 1950 des motifs approximativement périodiques, comme la brousse tigrée (voir photo), qui suggèrent des mécanismes d’organisation spontanée. On rencontre de tels mécanismes en chimie et en biologie. C’est le grand mathématicien et informaticien Alan Turing qui a inauguré l’utilisation d’équations de réaction-diffusion pour les étudier. Il semble que les mêmes équations rendent bien compte des rétroactions entre disponibilité de l’eau et croissance des plantes en zone semi-aride.

On s’intéresse en particulier aux états dits critiques : ceux où une petite variation d’un paramètre (climatique ou humain) provoque une grande variation irréversible de la couverture végétale. L’étude théorique et numérique du modèle mathématique indique que les états critiques de plus faible productivité, en quelque sorte la dernière station avant le désert, se traduisent par une végétation en taches. Ces motifs périodiques dans la végétation donnent donc le signal que la désertification est imminente. Encouragée par ce premier pas prometteur, la recherche actuelle vise à développer des moyens de prévention et de restauration des écosystèmes.

Brève rédigée par Paris Kyriazopoulos (Université Paris-Sud) et Ehud Meron (Université Ben Gourion du Negev), à partir de leurs travaux réalisés dans le cadre du réseau européen Marie Curie FIRST.

Pour en savoir plus :

Crédits images : Nicolas Barbier. U.S. Geological Survey.

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