Pour sa thèse, en 1873, à Göttingen, Sofia Kovalevskaya proposa trois articles (dont chacun aurait fait une thèse pour un candidat plus ordinaire, c’est-à-dire, en ce temps-là, pour un homme). L’article le plus célèbre de cette thèse établissait un théorème connu aujourd’hui sous le nom de Cauchy-Kovalevskaya. Un autre de ces trois articles portait sur la forme des anneaux de Saturne. C’était un travail de mathématiques appliquées, un cas d’étude d’un système en rotation. Kovalevskaya reprit et poursuivit un calcul de Laplace et montra que, si la matière des anneaux était fluide, ceux-ci seraient plus épais à la périphérie que près de la planète.
Sofia Kovalevskaya (1850-1891) était la petite-fille d’un général russe, Fedor Fedorevitch Schubert, qui avait, lui, mesuré la Terre. On pense à tous ceux qui mesurèrent, ici ou là, des arcs de méridiens. Lui avait mesuré les axes de la Terre. Pour expliquer brièvement ce dont il était question : la Terre n’est pas vraiment une sphère mais une sphère un peu déformée, précisément un ellipsoïde, comme celui que montre la figure. C’est la taille de cet ellipsoïde que mesura Schubert.
Devenue mathématicienne et même, après pas mal d’années difficiles, ayant obtenu la reconnaissance de ses compétences professionnelles, sous la forme d’un poste à l’université de Stockholm, Sofia Kovalevskaya put enfin se consacrer à un vrai et difficile problème de mathématiques, celui de résoudre les équations qui régissent le mouvement d’un solide de forme quelconque soumis à la seule pesanteur. Contrairement au cas des anneaux de Saturne, qui étaient modélisés par un fluide, il s’agissait cette fois d’un solide indéformable. La « toupie de Kovalevskaya », une sorte de gyroscope qu’elle découvrit et dont elle étudia le mouvement à cette occasion, lui valut un prix de l’Académie des Sciences de Paris en 1888. Comme celui de notre planète, le mouvement d’un gyroscope peut se décomposer notamment en une rotation autour d’un axe et une précession de cet axe : l’axe de la Terre n’est pas fixe mais, en même temps que la planète tourne autour de son axe, celui-ci décrit un cône, c’est ce que l’on appelle la précession.
Brève rédigée par Michèle Audin (IRMA, Université de Strasbourg).
Pour en savoir plus :
- Michèle Audin (2009), « Les deux idées de Sofia Kovalevskaya » — Images des Mathématiques, CNRS.
- Michèle Audin (2011), « Toupie » — Images des Mathématiques, CNRS.
- Michèle Audin (2008), « Souvenirs sur Sofia Kovalevskaya », éditions Calvage et Mounet.
- Brève connexe : Querelle franco-anglaise autour de la forme de la Terre.
- Cette brève parait à l’occasion de la journée internationale de la femme. Vous trouverez ici un billet rédigé par l’association Femmes et Mathématiques.
Crédits images :
- Sofia Kovalevskaya, Institut Mittag-Leffler.
- Saturne, Wikipedia.
- La Terre ellipsoïde, Jos Leys (Images des mathématiques).
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