Alexandre Liapounoff et sa célèbre thèse

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Monument à la mémoire d’Alexandre Lyapunov à Odessa.

Alexandre Mikhaïlovitch Liapounoff (Lyapunov) consacra l’essentiel de sa vie à la science. Né en 1857, à Iaroslavl en Russie, il est le fils de l’astronome Mikhaïl Vasilievich Liapounoff. Il mourut à Odessa en 1918, se tirant une balle dans la tête le jour où sa femme, Natalia Rafaïlovna Setchenova, succomba à la tuberculose. On peut lire sur sa tombe : « Fondateur de la théorie de la stabilité du mouvement, auteur d’avancées sur les figures d’équilibre des fluides en rotation, de méthodes pour la théorie qualitative des équations différentielles, du théorème central limite en théorie des probabilités et d’autres études approfondies dans plusieurs domaines de la mécanique et de la statistique mathématique. »

Impressionnant comme épitaphe ! Le théorème central limite généralise le théorème de De Moivre-Laplace, connu des lycéens d’aujourd’hui, et donne toute son importance à la fameuse courbe en cloche –une courbe qu’on a même pu voir sur des banderoles contestant les résultats des dernières élections législatives russes. Cependant, ce n’étaient pas des questions de probabilités que Tchebychev, son directeur de thèse, avait posées à Lyapunov. Il lui avait demandé, comme à plusieurs de ses élèves d’ailleurs, d’étudier les figures d’équilibre des fluides en rotation, des planètes par exemple et des corps célestes en général ! Son fait de gloire en la matière ? Avoir démontré que les figures en forme de poire chères au grand Henri Poincaré étaient instables. Ce qui explique qu’on n’a jamais vu de planète en forme de poire !

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Avion conçu à l’Institut de l’aviation de Kazan.

Lyapunov est en effet surtout passé à la postérité pour ses travaux, porteurs de méthodes totalement nouvelles, concernant les questions de stabilité. Son mémoire de maîtrise sur la stabilité des ellipsoïdes lui valut déjà un poste à l’université de Kharkov (Ukraine). Il fut promu « professeur ordinaire » après sa thèse sur le « Problème général de la stabilité du mouvement », soutenue à Moscou en 1892, et devint académicien à Saint-Pétersbourg en 1902, en remplacement de feu son mentor Tchebychev. À partir de ce moment-là, il se concentra sur d’autres questions, notamment celle posée par Tchebychev sur la figure des corps célestes. Sa théorie de la stabilité fut néanmoins reprise et utilisée dans de nombreux domaines, à commencer par l’aéronautique à l’Institut de l’aviation de Kazan, et ce dès les années 1930. Elle l’est toujours, par exemple pour le contrôle des voies navigables.

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Timbre soviétique à l’occasion du centenaire de Lyapunov.

Odessa étant coupée de la Russie en 1918, ce ne fut qu’en 1919 que l’Académie des Sciences rendit hommage au savant disparu, avec notamment un discours chaleureux de son premier élève, Vladimir Andreïevitch Steklov. Celui-ci décrivit, derrière l’apparence taciturne de Lyapunov, « un homme de grand tempérament, avec une pureté d’esprit sensible et presque enfantine, un sens très développé de l’honneur et de la dignité ». De fait, Lyapunov sortait peu, tout juste allait-il, une fois par an, à un concert de son frère Sergueï. L’un de ses rares loisirs était de cultiver ficus et palmiers, et il travaillait beaucoup, y compris la nuit. Lui qui ne voyait guère de sens à la vie en dehors de la créativité scientifique, il serait peut-être heureux de savoir que sa thèse, traduite en français dès 1893, est toujours éditée au XXIème siècle, dans sa version française de 1907.

Brève rédigée par Sylvie Benzoni-Gavage (Université Lyon 1).

Pour en savoir plus:

Crédits images: Wikimedia Commons / Urum, Kazan Aviation Institute, Wikimedia Commons / domaine public.

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