Le dodo, ce grand oiseau endémique de l’île Maurice, s’est éteint moins d’un siècle après sa découverte, à la fin du 17e siècle, avec l’arrivée des Européens. Il est aujourd’hui souvent cité comme un archétype de l’espèce éteinte car sa disparition, survenue à l’époque moderne, est directement imputable à l’activité humaine.
L’étude des causes qui mènent une espèce vivante à la rareté ou à l’extinction est au centre des problématiques de biodiversité. Les espèces menacées sont de petites populations, souvent dispersées, pour lesquelles les processus démographiques, génétiques, physiologiques ou comportementaux se trouvent perturbés. En effet, la constitution d’un groupe suffisamment grand est un moyen d’assurer par exemple les interactions entre individus nécessaires à la reproduction, et de chasser efficacement ou de fuir les prédateurs. On observe chez de nombreuses espèces que les petites populations ne sont pas capables de croître aussi rapidement que les grandes ou que leur croissance est extrêmement variable dans le temps. Une petite population ne peut être caractérisée par des données démographiques globales, comme les taux de reproduction ou de mortalité. On doit la voir comme un ensemble d’individus qui n’ont pas le même destin, certains meurent jeunes, d’autres vieux, certains se reproduisent beaucoup, d’autres non. Ces destins sont des événements aléatoires qui ne peuvent pas être résumés par leur moyenne car la population est trop petite. Ces événements aléatoires conduisent à une incertitude démographique qui accroît très fortement le risque d’extinction.
Par ailleurs, des études en laboratoire sur des espèces aussi différentes que la drosophile, les levures et la bactérie Escherichia coli montrent qu’une accélération de l’extinction de la population a lieu quand la taille de celle-ci tombe en dessous du millier d’individus. Ce phénomène est dû à la consanguinité qui favorise l’expression de mutations défavorables, ce qui affecte la survie ou la fécondité des individus. Dans une grande population, ces mutations sont éliminées par le processus de sélection naturelle. Dans une petite population, ce processus n’est pas assez efficace et aboutit à l’accumulation de mutations défavorables qui peu à peu vont réduire la capacité de la population à se développer et donc conduire à une diminution de sa taille.
Ce cercle vicieux, appelé vortex d’extinction, peut être décrit par un modèle probabiliste. Ce modèle va permettre de quantifier la viabilité d’une petite population en fonction de ses paramètres démographiques et de sa taille. Grâce à ce modèle, on peut alors montrer que le vortex d’extinction peut, dans certains cas, avoir une influence considérable sur le maintien de la population, allant par exemple jusqu’à diviser son temps moyen d’extinction par 3 pour certaines valeurs de paramètres démographiques.
Brève rédigée par Camille Coron (Ecole polytechnique) et Sylvie Méléard (Ecole polytechnique) d’après leurs travaux.
Pour en savoir plus :
- Alexandre Robert, Petites populations et vortex d’extinction.
- Vortex d’extinction sur Wikipedia.
- C. Coron, S. Méléard, A. Robert, E. Porcher (2012) «Quantifying the mutational meltdown in diploid populations», à paraître dans The American Naturalist [En anglais].
- R. Lande (1994) « Risk of Population Extinction from Fixation of New Deleterious Mutations», Evolution 48:5, pp. 1460–1469 [En anglais].
- M. Lynch, J. Conery, R. Burger (1995) « Mutation accumulation and the extinction of small populations», The American Naturalist, 146, pp. 489–518 [En anglais].
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