Les mathématiciens résolvent des équations. Certes mais comment font-ils ?
Parmi les techniques à la disposition des mathématiciens, le changement de variable représente un outil puissant. Il consiste en une transformation qui permet de passer d’un problème dont la solution est inconnue, à un problème dont on connaît la solution. Par exemple, l’équation semble compliquée à résoudre, mais le changement de variable la transforme en l’équation , dont les solutions sont et . Les solutions du problème de départ sont donc et .
Mais quel est le rapport avec la montée d’une vague sur une plage ?
La méthode du changement de variable est utilisée dans de nombreux domaines des sciences et de l’ingénierie. Une des caractéristiques des sciences mathématiques est de montrer que des domaines, a priori bien distincts, ont en fait des rapports profonds. Considérons, par exemple, l’équation décrivant le comportement d’une vague sur une plage. Un changement de variable traduit l’équation en un problème hydraulique bien connu de rupture de barrage. Dans cet exercice, on considère une masse d’eau au repos derrière un barrage. L’effondrement de celui-ci va générer une vague se propageant vers l’aval à grande vitesse. On conçoit que ce problème, qui peut mettre en danger la sécurité des personnes vivant à l’aval du barrage, ait reçu une grande attention. Une solution à ce problème permettant de calculer la vitesse de cette vague est connue depuis 1892 (solution de Ritter).
Mais à quoi servent concrètement ces calculs ?
Ce type de calculs peut être intégré dans des simulations numériques complexes et permet ainsi d’étudier l’interaction des vagues et d’une plage. Comprendre cette interaction est un problème crucial car les vagues sont responsables du transport de sédiments et de l’alimentation des plages en sables et galets. Lorsque l’alimentation de la plage est insuffisante, la plage régresse. Les plages sont des zones relativement stables mais elles sont actuellement dans l’ensemble des pays du monde en évolution rapide par suite d’interventions humaines ne tenant pas compte des équilibres dynamiques souvent fragiles qui caractérisent ces milieux.
En France, les ouvrages sur les plages (barres rocheuses ou autres) ont pas mal modifié un assez grand nombre de littoraux, par exemple en Languedoc-Roussillon. Cette régression des plages a aussi des conséquences importantes et parfois dramatiques dans un grand nombre de pays Africains. Au Togo, à la suite de la mise en service du barrage d’Akossombo au Ghana et de l’aménagement du port de Lomé, on a enregistré des reculs du trait de côte pouvant aller jusqu’à 40 m par an. Des situations analogues existent actuellement à St Louis du Sénégal, en Côte d’Ivoire et dans plusieurs pays du golfe de Guinée. L’utilisation d’outils mathématiques pour prévoir ces dégradations peut contribuer à une prise de conscience de l’importance du respect des équilibres naturels.
Brève rédigée par : Hervé Guillard (Inria Sophia Antipolis Méditerranée) d’après les travaux menés dans le cadre du Projet CASTOR.
Pour en savoir plus :
- Les brèves connexes : Des équations pour les vagues et Des vagues hors du commun.
- L’article Wikipedia sur les vagues.
- Le site du service hydrographique de la marine.
- Un article de David Lannes (2011) «Les vagues en équations», Pour la Science, No. 409, pp. 96.
- G.B. Whitham (1974), «Linear and Nonlinear Waves », Wiley & Sons Inc.
Crédits Images :
image 1 : Jocelyne Erhel
image 2 : L’érosion côtière en Côte d’Ivoire