Des fluides qui ne laissent pas de glace

Piotr Kapitsa et son assistant S.I.Filimonov font une expérience avec l'hélium superfluide

Piotr Kapitsa et son assistant S.I.Filimonov font une expérience avec l’hélium superfluide.

Piotr Leonidovich Kapitsa naît à Kronstadt le 9 juillet 1894. Il démarre sa carrière scientifique au département d’électromagnétisme de l’Institut Polytechnique de Saint-Pétersbourg, dont il est diplômé en 1918. En 1921, il part en Angleterre pour travailler avec Ernest Rutherford à l’Université de Cambridge, visite qui durera…13 ans ! Dans ces années-là, il met au point un procédé pour créer de forts champs magnétiques confinés et il montre, pour différents métaux, que la résistivité est proportionnelle à l’intensité du champ magnétique. Il travaille également sur la physique des très basses températures et développe un nouveau procédé de liquéfaction de l’hélium. Élu membre de la Royal Society en 1929, il fait bâtir le laboratoire Mond à Cambridge. Kapitsa dispose alors d’un statut tout à fait inhabituel qui lui permet de retourner fréquemment en URSS pour y donner des séminaires. Ce statut prend fin en 1934 lorsque son passeport est saisi sur ordre de Staline !

Kapitsa fonde alors l’Institut de Physique, qui porte aujourd’hui son nom et dont il sera pourtant renvoyé en 1946 ! Il l’équipe en partie avec les instruments achetés par l’URSS au laboratoire Mond et démarre en 1937 une série d’expériences sur l’hélium liquide. Celles-ci l’amèneront à la découverte de la superfluidité, qui lui vaudra le prix Nobel de physique en 1978.

Pour des températures suffisamment proches du zéro absolu, l’hélium se comporte comme un fluide sans viscosité et acquiert alors des propriétés étonnantes : sous l’effet de la tension superficielle, il peut remonter le long des parois d’un récipient jusqu’à le vider complètement ! Une autre illustration de la superfluidité s’obtient en mettant le fluide en rotation : là où apparaît un seul grand tourbillon pour un fluide classique, il apparaît une famille de petits tourbillons dont le nombre augmente avec la vitesse de rotation.

Tourbillons dans différentes sortes de «gaz»

Tourbillons dans différentes sortes de gaz.

La superfluidité relève de la théorie des condensats de Bose-Einstein : il s’agit d’états de la matière un peu particuliers dans lesquels un très grand nombre de particules, appelées bosons, sont exactement dans le même état et ont un comportement visible à l’œil nu. Il se trouve que la théorie physique des condensats de Bose-Einstein alimente un domaine de recherche en mathématiques en pleine expansion, tant du point de vue de la justification des modèles et de leur simulation numérique, que de l’étude de propriétés qualitatives, comme la dynamique à plusieurs tourbillons.

Brève rédigée par Pascal Noble (Université Lyon 1), notamment d’après les travaux de Radu Ignat et Vincent Millot.

Pour en savoir plus:

  • Ionut Danaila, Un exemple de modélisation: le condensat de Bose-Einstein.
  • R. Ignat, V. Millot, Tourbillons dans un condensat de Bose-Einstein 2d en rotation, C.R. Acad. Sci. Paris, Ser.I 340 (2005), 571-576.
  • Notice de P.L. Kapitsa sur la page des prix Nobel.
  • S. Kalliadasis, C. Ruyer-Quil, B. Scheid, M.G. Velarde, Falling Thin Films, Applied Mathematical Sciences 176, Springer 2012.

Crédits images: Institut de Physique Kapitsa, Andre Schirotzek (MIT).

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