La mesure de la Terre – Gauss et la théorie des surfaces

Carl Friedrich Gauss (1777-1855).

Carl Friedrich Gauss est connu en tant que physicien (son nom a été donné à l’unité de champ magnétique du système CGS), mais aussi en tant que mathématicien et parmi les plus grands. Il a également contribué au développement de l’astronomie (il a dirigé l’observatoire d’astronomie de Göttingen de 1807 jusqu’à sa mort) et de la géodésie.

Gauss a commencé très jeune à s’intéresser à la géodésie. Il s’agissait tout d’abord d’établir une carte détaillée de la Westphalie en réponse à une demande des autorités militaires. Gauss a ainsi participé à plusieurs expéditions géodésiques entre 1800 et 1805. Plus tard, en 1818, le gouvernement a financé son projet de triangulation de la région de Hanovre, dont Göttingen faisait partie. La méthode de triangulation permet de mesurer la distance entre deux lieux masqués l’un à l’autre et s’avère ainsi indispensable à toute représentation cartographique précise. Gauss a élaboré un programme de travail serré qui prévoyait les travaux sur site en été et l’analyse des données recueillies en hiver. Le travail ne s’est achevé qu’en 1847 : pendant cette trentaine d’années, Gauss a effectué plus d’un million de calculs !

Le travail sur le terrain a inspiré une nouvelle théorie géométrique qui fait l’objet d’un long mémoire publié en 1827, Recherches générales sur les surfaces courbes. Essentielles dans cette théorie sont les coordonnées intrinsèques, introduites par Gauss, et qui généralisent les coordonnées cartésiennes du plan. Sur notre planète, elles se réduisent aux « parallèles » et aux « méridiens », deux nombres qui suffisent à se repérer.

latitude

Latitude et longitude sur la Terre

Les «coordonnées intrinsèques» permettent de définir certains concepts fondamentaux en théorie des surfaces. Grâce à ces coordonnées, Gauss est en mesure de déterminer en chaque point de la surface un nombre, appelé après lui courbure de Gauss. Pour la surface d’une sphère, la courbure est l’inverse du carré du rayon. Pour un plan, elle est nulle. Le point de vue intrinsèque est particulièrement riche en géodésie. Nous avons accès seulement à des longueurs de courbes tracées sur la surface terrestre, sans rien révéler de la disposition de la surface dans l’espace. Toujours grâce à cette approche, Gauss démontre qu’il ne peut exister de carte géographique qui préserve en même temps les longueurs et les angles.

Comme application de sa théorie, Gauss confirme la validité des corrections pratiquées à son époque en géodésie. Sur le terrain, on mesure des angles de triangles plans (le plus grand triangle utilisé par Gauss a pour sommets les trois collines Brocken, Hohehagen et Inselsberg, éloignées de 100 km environ). On fait l’hypothèse que la Terre est parfaitement ronde, et on raisonne sur des triangles sphériques. Une formule approchée due à Legendre relie les angles sphériques aux angles plans mesurés. Legendre lui-même avait montré que l’approximation reste valable si la Terre est un ovoïde presque sphérique. La théorie de Gauss éclaire ces résultats, en élargit le champ d’application et fourbit les armes de la géodésie du XXIème siècle.

Malgré son intérêt pour les applications, Gauss est convaincu de l’importance de la science fondamentale. Comme il l’écrivit à son ami Bessel, « toutes les mesures du monde ne valent pas un seul théorème, car seul ce dernier fait réellement avancer la science des vérités éternelles ».

 

Brève rédigée par Rossana Tazzioli (Univ. Lille 1) d’après les travaux de Carl Friedrich Gauss.

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Crédits images : Wikipedia

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