La neige à l’échelle microscopique

http://www.breves-de-maths.fr/wp-content/uploads/2013/03/I08iso.pngComment prévoir l’évolution du manteau neigeux dans les régions polaires ou montagneuses ? Comment prédire avec précision le risque d’avalanche ? Cette évolution ou ce risque sont en fait très variables, et dépendent notamment de la température, de la quantité de neige accumulée, de l’ensoleillement. Un simple observateur constate facilement qu’il y a de nombreux types de neiges (neige fraîche, neige humide, neige ventée), et que leurs propriétés respectives ont un impact sur des phénomènes de plus grande échelle, tels que les avalanches. En fait, une partie de la réponse se cache à une échelle encore plus petite, de l’ordre du micromètre.

Lors d’une chute de neige, les cristaux de neige s’accumulent sur le sol et forment progressivement un milieu poreux complexe constitué d’air humide, de glace et parfois d’eau liquide. Cette neige au sol se transforme avec le temps, en fonction des conditions météorologiques. Ce processus, appelé métamorphose, peut être divisé en trois principales catégories selon les conditions physiques extérieures : la métamorphose de neige humide, la métamorphose d’isothermie et la métamorphose de gradient de température. En plus des sollicitations physiques, la neige subit aussi des contraintes mécaniques, comme le tassement dû au poids des couches supérieures de neige.

Bien que l’effet général des différentes métamorphoses soit relativement bien connu, les mécanismes physiques qui conduisent à ces transformations ne sont pas parfaitement compris. Une meilleure simulation microscopique de ces mécanismes permettrait de comprendre comment la microstructure de la neige évolue en fonction des conditions extérieures. Ce modèle à l’échelle du grain de glace aurait aussi un impact majeur sur l’étude du comportement et des propriétés de la neige à plus grande échelle.

La microtomographie par rayons X permet d’acquérir de manière non-invasive des images tridimensionnelles de micro-échantillons de neige, de la même façon qu’on peut obtenir des images 3D du corps humain dans le domaine médical. Sur ces images, la répartition de l’air et de la glace constituant la neige au moment de l’acquisition est nettement visible. Des outils de géométrie discrète permettent alors de calculer des quantités topologiques et géométriques sur les micro-échantillons, et d’en modéliser leurs propriétés physiques. De plus, une fois le volume numérisé, l’évolution naturelle de la neige peut être simulée à l’aide d’équations aux dérivées partielles. On espère ainsi retrouver numériquement les phénomènes observés, comme la sublimation (passage à l’état gazeux) ou la facettisation des grains de neige en fonction de leur localisation dans l’échantillon.

Modéliser et simuler de manière réaliste les métamorphoses à micro-échelle se heurte néanmoins à plusieurs difficultés : d’une part, les données sont de très grandes tailles, d’autre part certains aspects de la physique mise en jeu sont difficiles à prendre en compte mais ont pourtant une influence non négligeable sur les métamorphoses, telle que l’orientation cristalline des grains de glace. Actuellement, la plupart des modèles proposés sont uni- ou bidimensionnels. Ils ne simulent donc pas tous les éléments des métamorphoses, comme par exemple l’effet de facettisation des grains de glace.

L’objectif du projet DigitalSnow est donc de mettre au point un modèle tridimensionnel réaliste pour analyser et simuler les métamorphoses de la neige à l’échelle microscopique. Celui-ci permettra de valider les modèles physiques actuels, de déterminer avec plus de précision certains paramètres microscopiques de la neige difficiles à estimer expérimentalement, d’anticiper l’évolution de la neige sous différentes contraintes et de déduire les variables macroscopiques du manteau neigeux utiles à l’estimation du risque d’avalanche ou aux études climatiques par exemple. Le projet rassemble des spécialistes de physique de la neige (CEN), d’informatique et géométrie discrète (LIRIS, LAMA) et de mathématiques appliquées (LAMA).

Brève rédigée par Jacques Olivier Lachaud (LAMA).

Pour en savoir plus :

Crédits images : CNRS / LIRIS et Météo-France CNRS / CNRM GAME / CEN

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