La prévision des crues consiste à anticiper le niveau d’eau dans une rivière, en estimant l’apport en pluie sur son bassin versant. De nombreux paramètres influent sur la quantité d’eau effectivement reçue : la nature des sols, leur capacité d’infiltration et leur humidité ; le niveau d’eau actuel dans la rivière ; la pente du lit, sa nature et sa géométrie. Ces paramètres peuvent être insérés dans des modèles mathématiques qui permettent de prédire les crues.
Le SCHAPI (Service Central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévision des Inondations) et les 21 Services de Prévision des Crues produisent deux fois par jour une carte de vigilance accessible en ligne sur plus de 20 000 km de cours d’eau. Ils fournissent également des prévisions sur les évolutions attendues du risque de crue à l’échéance de quelques heures. Pour cela ils utilisent des modèles numériques :
- un modèle atmosphérique qui permet de prévoir les précipitations au cours du temps (notées P(t) sur la figure) ;
- un modèle hydrologique qui calcule un débit (noté Q(t) sur la figure) entrant à partir du ruissellement et du drainage de la pluie ;
- un modèle hydraulique qui décrit la dynamique de l’écoulement de l’eau dans la rivière, et en particulier la hauteur de l’eau au cours du temps (notée H(t) sur la figure).
La méconnaissance des données ainsi que la simplification des équations de la physique limitent les performances des modèles numériques. Dans le cas d’un modèle d’hydraulique, les sources principales d’incertitudes sont dues à la description approximative des frottements au fond de la rivière ainsi que de la géométrie de son lit. Ces incertitudes peuvent conduire le modèle à prévoir à tort une forte augmentation du débit et un débordement des berges ou, au contraire, à sous-estimer un événement de crue extrême.
La prévision à quelques heures peut être considérablement améliorée si on réduit l’incertitude du modèle en le contraignant régulièrement à se rapprocher des derniers débits ou/et hauteurs mesurés. On parle ici d’assimilation de données. Il s’agit d’une technique mathématique qui consiste à minimiser les différences entre les prédictions – imparfaites – du modèle et les observations – incomplètes – de l’écoulement dans la rivière. Cette méthode fait appel à des techniques de minimisation et de calcul matriciel.
Si l’on souhaite prévoir les crues avec une incertitude quantifiée et réduite, il convient de suivre le chemin tracé par la météorologie pour la prévision du temps. Les défis pour la communauté hydrologique et hydraulique sont : l’amélioration des modèles numériques, le développement des techniques d’observation in-situ et spatiales et l’implémentation d’algorithmes d’assimilation de données pour combiner ces diverses informations, tout ceci en limitant le temps de calcul afin de respecter les contraintes opérationnelles pour la prévision en temps réel.
Brève rédigée par Sophie Ricci, sur la base de ses travaux en collaboration avec Bruno Janet, Etienne Le Pape et Nicole Goutal, travaux réalisés au CERFACS, au SCHAPI et au LNHE.
Pour en savoir plus :
- Un article du Figaro : Les crues de mieux en mieux surveillées.
- Cours F. Bouttier / P. Courtier ECMWF.
- Cours Hydrodynamique de l’environnement d’O. Thual.
- Site e-learning CERFACS : exemple d’assimilation de données EnKF sur un modèle d’ondes de crues.
Crédits image :
- Sophie Ricci, CERFACS.
- Le site vigicrue.gouv.fr.
L’étude des phénomènes brusques et très locaux de précipitations intenses (exemple d’orages d’été) demande d’améliorer la résolution spatiale et la cadence temporelle d’ingestion des mesures dans le modèle, pour une prédiction court terme de phénomènes rares . Classiquement, les modèles météo ont été développés pour une prédiction de 1 heure à quelques jours. Or, dans ces cas extrêmes, le préavis doit être inférieur à 1 heure.
Dans ce contexte, on voit apparaître l’utilisation de senseurs radars bande X à balayage électronique, isolés ou en réseaux avec une portée de 30 km (http://www.casa.umass.edu/ ) permettant une mesure à haute résolution spatiale (< 100 m) et haute cadence temporelle (< 10 s) du taux de pluie.
Comment voyez vous l'évolution des modèles numériques pour s'adapter à l'émergence de ces nouveaux senseurs permettant sur un large volume de mesurer en temps-réel le taux de pluie à haute résolution spatiale et haute cadence temporelle ?