Regarder les tourbillons océaniques à la loupe

Deux tourbillons d’eau chaude de 100 km de diamètre se forment au nord du Gulf Stream. Le bleu correspond à de l’eau froide, le jaune et l’orange à des eaux plus chaudes.

La circulation océanique joue un rôle fondamental pour la vie marine (comme on l’a vu par exemple pour le bébé plancton) et certaines activités humaines telles que la navigation et la pêche. Pour décrire la façon dont les masses d’eau des océans se déplacent, il faut prendre en compte de multiples facteurs comme la rotation de la Terre, les courants à très grand échelle ainsi que les petites fluctuations provoquées par le vent. Parmi les phénomènes remarquables, certains tourbillons océaniques (aussi appelés vortex) s’étendent sur plusieurs dizaines de kilomètres et peuvent abriter des écosystèmes particulièrement intéressants. Comprendre qualitativement l’existence de ces tourbillons est un défi pour les mathématiciens.

En négligeant les effets dus aux variations de densité, de température et de salinité de l’eau, ainsi que les variations verticales de la circulation (la profondeur des océans étant très faible comparée à leur étendue horizontale), les seules inconnues du problème sont la vitesse locale (une quantité à deux dimensions) et la hauteur d’eau. Connaissant de plus les grands courants marins au niveau de la planète, on peut supposer que ces inconnues (vitesse et hauteur d’eau) sont elles-mêmes de petites fluctuations autour de leur valeurs moyennes.

Leur évolution au cours du temps est alors régie par un système d’équations aux dérivées partielles relativement simple, traduisant d’une part la conservation de la quantité d’eau, et d’autre part, l’accélération des masses d’eau par la pression hydrostatique, la friction avec le vent et la rotation de la Terre (force de Coriolis, voir aussi cette brève). Il est possible de résoudre ce système d’équation au moins de façon approchée, en superposant des solutions particulières appelées ondes. Les résultats obtenus sont cependant beaucoup trop complexes, en raison du nombre important de paramètres, pour permettre une visualisation rapide de la géométrie des écoulements.

L’idée est alors d’introduire un filtre, car il est inutile d’avoir une résolution très fine pour obtenir une image nette à l’échelle des tourbillons. Une difficulté majeure provient néanmoins du fait que les différentes ondes créées par le vent ont des comportements très variés et ne peuvent pas être analysées par le même filtre. Des travaux récents ont toutefois permis d’obtenir un bon outil dit de polarisation, qui permet de prédire de façon systématique la localisation des vortex. Il reste maintenant à en tester la robustesse, pour savoir s’il peut apporter une réponse satisfaisante pour des modèles plus réalistes, prenant en compte par exemple la topographie des fonds sous-marins et les mouvements verticaux en résultant, les flux liés aux différences de température, voire les interactions entre l’air et la mer. La question est donc loin d’être close.

Brève rédigée par Laure Saint-Raymond (Ecole Normale Supérieure (Paris) d’après ses travaux avec Christophe Cheverry (Université de Rennes 1), Isabelle Gallagher (Université Paris-Diderot) et Thierry Paul (Ecole Normale Supérieure (Paris).

Pour en savoir plus :

Crédits Images : Ocean Remote Sensing Group, Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory

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