Sillage d’avion et trafic dans les aéroports

Turbulence de sillage créée par un avion (en fausses couleurs)

Turbulence de sillage créée par un avion (en fausses couleurs).

Un enjeu crucial pour les grands aéroports est de comprendre les turbulences créées par un avion au décollage et à l’atterrissage. En effet, le passage d’une aile d’avion donne naissance à un important tourbillon d’air qui met plusieurs minutes à se dissiper. En raison de l’instabilité de l’air au cœur de ce tourbillon, il est très dangereux de faire passer un second avion immédiatement après. L’histoire de la sécurité aérienne compte plusieurs exemples de crashs dus à ce phénomène : un Airbus A330 à New York en 2001, un avion gouvernemental mexicain en 2008.

Par conséquent, les aéroports ont décidé de définir un temps de sécurité entre deux avions, afin que ce tourbillon de sillage se dissipe. Néanmoins, ces temps ont dû être augmentés à cause de l’apparition d’une nouvelle famille d’avions de grosse capacité, tel l’Airbus A380, ce qui bride la croissance du trafic aérien. Il est en effet commun de voir dans les gros aéroports les avions attendant en file indienne l’autorisation de décoller. C’est ainsi que la question de la réduction de l’écart entre deux avions, sans nuire à la sécurité, est au cœur de nombreux projets mondiaux. Plusieurs pistes sont possibles pour cela : peut-on faire des mesures certifiant que le tourbillon a disparu ? Peut-on évaluer a priori de façon précise le temps qu’il faudra au tourbillon pour se dissiper ?

Les mathématiques peuvent intervenir à différents moments de l’étude. Les équations régissant le mouvement de l’air sont encore mal comprises d’un point de vue mathématique ;  l’approche naturelle consiste donc à simplifier les équations, puis à faire une analyse théorique et/ou numérique de ces modèles. Mais si nous simplifions trop, nous ne pourrons jamais mettre en évidence le phénomène que nous observons dans les expériences. C’est ainsi que se crée une compétition entre la volonté de pouvoir étudier le modèle et de ne pas trop simplifier pour ne pas perdre la partie intéressante. Jusqu’à présent, les modèles qui ont été étudiés ne permettent pas de donner la forme exacte de ces tourbillons. Il est alors difficile d’interpréter les résultats des ondes radars ; on ne peut en déduire si le tourbillon est encore présent ou non.

En fait, même la création des tourbillons à partir des équations de la mécanique des fluides n’est pas vraiment claire. On peut démontrer en effet que la vitesse de l’air devient infiniment grande à l’extrémité de l’aile. Tellement grande que les conditions de validité du modèle ne sont plus vérifiées ! On pense alors qu’un phénomène de couche limite apparaît près du bord et donne naissance au tourbillon. Si ce mécanisme est communément admis, il reste difficilement démontrable. Cette question est emblématique des problèmes de faible régularité en mécanique des fluides, qui sont à la pointe des mathématiques actuelles dans ce domaine. Un résultat mathématique étonnant établi par Scheffer et Shnirelman dans les années 1990 illustre bien la complexité du sujet : un fluide initialement au repos peut tout à coup s’agiter spontanément, sans qu’aucune force n’ait été exercée sur lui ; après quoi il revient au repos de lui-même, violant outrageusement le principe de conservation de l’énergie. Encore un résultat mathématique incroyable qui pousse à se poser des questions : le modèle physique est-il le bon, ou est-ce la notion mathématique de solution qui doit être revue? Quelques éléments de réponse dans une brève à venir !

Brève rédigée par Christophe Lacave (Université Paris-Diderot).

Pour en savoir plus :

Crédits images : NASA.

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