Couches limites le long des côtes

Carte des courants marins

Carte des courants marins : on voit que les courants sont très localisés près des côtes (de l’équateur aussi, mais c’est un autre sujet !)

Pour comprendre la circulation des courants océaniques, les physiciens et les mathématiciens ont souvent recours à des modèles approchés : en effet, la multiplicité des phénomènes en jeu (rotation de la Terre, différences de salinité et de température, présence de plusieurs échelles spatiales) rend impossible toute tentative de description exhaustive, même avec les plus puissants des ordinateurs actuels.

Les méthodes de couches limites, initiées par Ludwig Prandtl en 1904, font partie des simplifications couramment utilisées : elles consistent à décomposer la vitesse des courants marins en une partie intérieure, qui décrit le comportement du fluide loin des bords (ici, les côtes ou les fonds marins), et une partie couche limite, qui est concentrée dans un voisinage des bords et devient négligeable dès qu’on s’en éloigne. Par définition, l’épaisseur de la couche limite est toujours très petite par rapport à la taille du domaine.

Zoom sur une couche limite

Schéma des courants dans un bassin océanique, avec zoom sur une partie du bord ouest. Les lignes de courants sont représentées en pointillés et les flèches violettes correspondent à la vitesse des courants en certains points.

 

On peut ainsi s’intéresser au comportement des courants près des côtes. Une première analyse rapide, qui remonte aux travaux de l’océanographe Walter Munk (1950), montre l’existence de couches limites près des côtes est et ouest du domaine fluide. Ces couches limites ont plusieurs propriétés remarquables : tout d’abord, la vitesse des courants est beaucoup plus importante dans la couche limite à l’ouest du bassin océanique que dans celle située à l’est. Cette prédiction théorique correspond parfaitement à l’observation des grands courants marins : le Gulf Stream le long de la côte est des Etats-Unis, le Kuroshio dans l’Océan Pacifique, le courant est-australien dans la mer de Tasman en sont quelques exemples.

Vue d'ensemble des couches limites le long des côtes

Vue d’ensemble des couches limites le long des côtes

Par ailleurs, la taille de la couche limite prédite par le modèle de Munk, qui est très petite sur les bords est et ouest, devient très grande quand on approche des points, ou zones, où le bord du domaine est tangent à l’axe est-ouest. Comme cette prédiction n’a pas vraiment de sens (puisqu’on travaille dans un domaine limité en espace), cela signifie que l’analyse de Munk n’est plus valable dans cette zone et qu’il faut modifier la solution approchée localement. Mathématiquement, on dit que la couche limite dégénère en ce point.

Ce problème de dégénérescence a été résolu récemment, en superposant la solution de Munk à une autre couche limite dans les zones où le bord du domaine est tangent à l’axe est-ouest, ainsi que dans le sillage des îles. Cette deuxième couche limite est plus grande que celle de Munk, mais ne dégénère pas. L’étape suivante (qui est de taille !) sera de comprendre comment cette construction, qui avait été menée pour un modèle simplifié, peut s’étendre à un cadre plus réaliste, en prenant en compte en particulier les termes d’advection.

Brève rédigée par Anne-Laure Dalibard (CNRS, Ecole normale supérieure) d’après ses travaux avec Laure Saint Raymond (Ecole normale supérieure).

Pour en savoir plus :

Crédits Images : Wikipedia Commons, Anne-Laure Dalibard.

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