Sous pression, la roche a craqué

Dyke

Dykes magmatiques du Colorado. Les petits murets ont été formés par du magma sortant d’une fissure du manteau terrestre.

Qu’ont en commun les dykes et l’exploitation du gaz de schiste ? Dans les deux cas, une roche est cassée, fracturée, sous la pression d’un fluide. Dans le premier cas, le fluide est le magma terrestre qui s’infiltre dans une fissure et l’élargit. Dans l’autre, c’est par exemple de l’eau qu’on injecte pour faciliter l’extraction du gaz. Les fractures hydrauliques ont beaucoup été étudiées par les physiciens, qui souhaitent pouvoir prédire l’évolution de la fracture.

Dans ce cas particulier comme dans beaucoup d’autres, ils font des approximations, isolent les phénomènes physiques centraux et dérivent les équations qui doivent complètement décrire l’évolution. Ils aboutissent notamment à différents modèles (KGD et PKN par exemple, dans les cas qui nous occupent). C’est à ce moment que les mathématiciens entrent en scène. Ils développent le cadre théorique adéquat à l’étude de l’équation.

Commençons par en dire un peu plus sur les équations en question. L’évolution du fluide est gouvernée par les équations de Navier-Stokes, qui se simplifient grandement si l’on prend en compte le fait que la largeur de la faille est très petite comparée à l’échelle du phénomène (jetez à nouveau un œil à la photo pour vous en convaincre). On aboutit alors à la loi de Poiseuille, à laquelle une brève devrait être prochainement consacrée. Notez qu’on vient de décrire l’une des approximations nécessaires faites par les physiciens. La roche, quant à elle, peut être supposée élastique et il faut une certaine énergie pour la casser. On prend finalement en compte la conservation de la masse du fluide pour obtenir une seule équation satisfaite par la largeur de la fracture.

Depuis son  introduction à la fin des années 1960, le modèle KGD a fait l’objet d’un grand nombre de travaux de physique, et plus récemment d’une étude mathématique théorique et numérique. Ce n’est qu’en 2011 qu’il a été montré que l’équation aux dérivées partielles impliquée dans le modèle admet bien une solution (ouf !) si l’on part d’une fracture initiale qui a une certaine énergie (différente de celle des physiciens) finie. De plus, la démonstration de l’existence des solutions permettra aussi de montrer que les simulations numériques faites sur ordinateur approchent bien la -en fait une- solution que les physiciens ont décrite. Malheureusement, le cas physique le plus important correspond à des fractures d’énergie infinie (grrr !). Pour dépasser cette difficulté, les mathématiciens doivent maintenant faire preuve d’imagination.

Brève rédigée par Cyril Imbert (CNRS et Univ. Paris-Est Créteil) d’après ses travaux  avec Antoine Mellet (Univ. Maryland).

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Crédits Images :  Wikimedia commons.

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