Sur la trace des éléphants de mer

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Harem d’éléphants de mer sur les îles Kerguelen.

L’éléphant de mer est un prédateur supérieur de l’Océan Austral qui parcourt l’océan durant plusieurs mois avant de revenir à terre. L’étude de ses trajectoires et de son comportement alimentaire est riche en enseignements sur l’environnement de la région. En posant des balises sur ces mammifères marins, les scientifiques peuvent enregistrer leur trajectoire durant leur séjour en mer. Sur la base de ces positions enregistrées, appelées données télémétriques, ils peuvent estimer l’effort et le succès de leur recherche alimentaire  et mettre en relation leur comportement dans ce domaine avec les conditions océanographiques qu’ils rencontrent sur leur trajet.

En utilisant des méthodes de traitement du signal, la trajectoire des animaux est lissée pour supprimer le bruit de mesure et reconstruire les données manquantes. Des modèles statistiques appelés modèles de Markov cachés sont développés pour analyser les trajectoires. Ils intègrent un état caché qui décrit le mode de déplacement de l’éléphant de mer (longue route ou en recherche alimentaire) ainsi que des variables environnementales auxquelles les éléphants de mer sont sensibles. Les modèles permettent alors de lier un type de trajectoire à un comportement spécifique de l’animal (recherche active de nourriture, repos, voyage) et de reconstituer son comportement alimentaire.

L’Océan Austral est parcouru par un courant froid, le Courant Circumpolaire Antarctique, qui rencontre des eaux plus chaudes au niveau de la Convergence Antarctique dans une zone appelée zone inter-frontale. Les courants présents dans cette zone structurent fortement la répartition spatiale et temporelle du plancton et attirent ainsi de nombreux animaux, à tous les niveaux de la chaîne alimentaire, créant ainsi des zones alimentaires plus ou moins riches.

Les études réalisées s’accordent pour indiquer que les éléphants de mer austraux sont des prédateurs marins qui alternent des périodes de transit d’une zone à l’autre et des périodes de recherche active dans les zones riches pour exploiter au mieux leur environnement. La périphérie des tourbillons anticycloniques et le cœur des tourbillons cycloniques sont apparus comme des zones préférentielles pour l’approvisionnement des éléphants de mer femelles. Une étude plus fine du comportement alimentaire, centrée sur les épisodes de plongées, a permis de mettre en évidence la préférence des éléphants de mer pour des masses d’eau présentant des caractéristiques thermiques spécifiques.

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Reconstitution des trajectoires de plusieurs éléphants de mer.

Le comportement alimentaire est donc régi par des grands voyages d’une zone riche à l’autre et, au sein de chacune de ces zones riches, par un comportement plus fin de recherche alimentaire influencé par les caractéristiques thermiques des masses d’eau, par la présence de tourbillons cycloniques ou anticycloniques. Ces interactions, à moyenne et fine échelle, constituent des indications sur les caractéristiques de la distribution des proies dont dépendent ces prédateurs. La répartition spatio-temporelle de l’effort de recherche des éléphants de mer a ainsi permis une meilleure compréhension de la dynamique de ces prédateurs soumis aux fortes contraintes de leur environnement.

 

Brève rédigée par Anne-Cécile Dragon (CLS) d’après ses travaux avec Avner Bar-Hen (MAP5), Christophe Guinet (CEBC-CNRS) et Pascal Monestiez (BioSP).

Pour en savoir plus :

Crédits Images : Anne-Cécile Dragon.

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