Un problème majeur pour les prévisions météorologiques est celui du caractère hautement non-linéaire du système de prévision. La mécanique des fluides utilisée pour décrire les écoulements atmosphériques tient compte de cette non-linéarité ; par exemple, le changement d’une propriété physico-chimique de l’air (vitesse, pression, température, humidité, concentration de polluants) dépend de l’écoulement ambiant. Et ce dernier dépend précisément de la vitesse de l’air elle-même, d’où la non-linéarité évoquée ci-dessus… En 1963, Edward Lorenz, un météorologue du Massachusetts Institute of Technology (MIT), fut l’un des premiers à découvrir les implications de telles considérations pour les fluides tels que l’air dans l’atmosphère.
Avec le modèle relativement simple qu’il avait développé à l’époque, il cherchait à comprendre le comportement d’une atmosphère virtuelle soumise à des changements de chaleur capables de modifier l’intensité des mouvements de convection qui régulent la chaleur dans le système.
La solution des équations de Lorenz montre que le système de prévision météorologique peut passer d’un état à un autre de façon apparemment aléatoire, comme illustré dans la figure ci-dessus. Les deux boucles montrent des trajectoires dans l’espace des phases qui représentent d’une part un état « froid », et d’autre part un état «chaud ». Les lignes sont des trajectoires dans l’espace des phases qui transitent d’un état à l’autre. Même si elles sont proches les unes des autres, les trajectoires ne s’entrecoupent jamais et ne suivent jamais des parcours identiques.
Le modèle de Lorenz révèle par ailleurs que l’évolution du temps qu’il fait est difficilement prévisible, puisque l’une des propriétés fondamentales de la dynamique chaotique est la sensibilité des solutions aux conditions initiales. En effet, des changements infimes des conditions de départ imposées à un système peuvent conduire à d’importantes différences dans l’état de ce système après un certain temps.
C’est en se basant sur ces considérations que le célèbre « effet papillon » est entré le jargon populaire, c’est-à-dire l’idée que le battement d’une aile de papillon à un endroit du globe pouvait déclencher, dans une autre partie du monde, des phénomènes météorologiques exceptionnels comme des cyclones tropicaux. Le chaos révèle ainsi dans la nature le fait que le désordre à une certaine échelle n’est pas incompatible avec l’ordre à une autre échelle.
Brève rédigée par Martin Beniston (Université de Genève).
En savoir plus :
- le film Chaos, une aventure mathématique de Jos Leys, Étienne Ghys et Aurélien Alvarez.
- un article sur ce sujet dans Interstices,
- page Wikipedia de l’attracteur de Lorenz,
- article d’origine de Lorenz (1963) [En anglais].
Crédits Image : The Stone Soup.
Bonjour,
Je vous remercie pour ce très bel article qui introduit l’élément chaotique ou “l’effet papillon”. À propos de ce dernier, je me pose une question qui n’est absolue pas claire pour moi.
Lorsqu’on parle de l’effet papillon, veut-on illustrer qu’un battement d’aile de papillon quelque part sur le globe peut engendrer un phénomène météorologique à des milliers de kilomètres, I.e. Le battement est à la source du phénomène météorologique ? Ou veut-on exprimer que le battement d’aile parmi d’autres perturbations, a un effet sur un phénomène météorologique à l’autre bout du globe, i.e. Le battement est un contributeur parmi d’autres et le grand nombre de ces contributeurs rend la prédiction difficile. Ou encore, veut-on exprimer les deux ? Je pense que le sens commun comprend l’effet papillon comme une source engendrant le phénomène.
L’effet papillon est une image qui sert à illustrer la complexité de la prédiction, la forte sensibilité à tout un tas de paramètres, conditions aux limites, initiales, etc. Ce qui va donc plutôt dans le sens de votre second point.
Bjr, cet “effet papillon” m’a toujours paru incompréhensible…c’est en effet oublier l’amortissement.
Contre-exemple de l’effet-papillon: l’absence de l’effet-bombes. Je viens de consulter l’International disaster database: aucune variation de désastres sur Terre constatée pendant les périodes 1914-1918 ou 1940-1945 où pourtant des millions de bombes ont explosé y compris 2 armes nucléaires…