Quel lien existe-t-il entre le profil d’une aile d’avion et une bulle de savon ? Ou entre la silhouette d’un sous-marin furtif et la légendaire reine Didon qui fonda Carthage ? C’est l’optimisation de forme, qui vise à choisir la meilleure géométrie vis-à-vis d’un critère donné. Ainsi, les bulles de savon sont-elles sphériques lorsqu’elles s’envolent librement afin de minimiser leur surface. Quant aux ailes d’avion, elles sont dimensionnées de manière très précise afin d’améliorer les performances en vol (réduire la consommation de carburant, le bruit, etc.).
Historiquement (ou plutôt mythologiquement), le premier problème d’optimisation de forme est apparu lorsque la princesse Didon, en exil depuis la Phénicie, accosta au nord de l’actuelle Tunisie. Les autochtones lui laissèrent le territoire que pourrait enserrer la peau d’un bœuf pour qu’elle puisse y fonder sa ville. Astucieuse, Didon en fit découper une fine et longue lanière et la positionna au sol de façon à décrire un arc de cercle. Elle venait de résoudre le problème isopérimétrique : déterminer la courbe de longueur fixée qui contient la plus grande surface. Depuis, l’optimisation de forme a été étudiée par de nombreux mathématiciens : parmi eux, Pappus d’Alexandrie qui compila les travaux des Grecs de l’antiquité, Euler et Lagrange au XVIIIème siècle pour la mise en place des outils d’analyse mathématique, Steiner ou Weierstrass au siècle suivant. Le domaine est aujourd’hui encore très actif et touche à des questions mathématiques allant de l’analyse à la géométrie, en passant pas le calcul numérique.
Mais l’optimisation de forme ne se résume pas à l’étude et la généralisation de l’antique problème de Didon ! Elle est présente dans de nombreux domaines industriels, où elle fournit une aide à la conception. L’aéronautique est un secteur qui a très tôt fait appel aux techniques d’optimisation. Tout d’abord empiriques, elles consistaient à tester différentes géométries pour en comparer les performances. C’est ainsi que sont nés les avions biplans qui possèdent deux paires d’ailes puis les monoplans à ailes en flèche. On avait en effet constaté que celles-ci étaient préférables aux ailes droites.
Après la Seconde Guerre mondiale, les premières études systématiques ont été menées en optimisant la forme de l’aile à l’aide d’un petit nombre de paramètres liés à l’épaisseur et à la courbure. Aujourd’hui, des méthodes beaucoup plus sophistiquées existent, permettant d’optimiser la forme globale de l’aile, sans la résumer à un jeu restrictif de coefficients. Il est toutefois possible que l’aile « mathématiquement optimale » ne soit pas toujours réalisable et les techniques les plus modernes incorporent des contraintes de fabrication dans l’optimisation.
Brève rédigée par Grégory Vial (Ecole Centrale de Lyon).
Pour en savoir plus :
- Brève connexe de Juliette Chabassier : Simuler le son d’un piano.
- A. Henrot et M. Pierre, Variation et optimisation de formes, Springer 2005.
- Le projet Optiform.
Crédits images : Shape Optimization Group at CMAP.