Estimer les effectifs des populations animales naturelles

Mouette rieuse Chroicocephalus ridibundus. Plus de 50 000 individus ont été bagués depuis 1976 dans le cadre d’une étude démographique à long terme de la population de mouettes rieuses nichant dans la plaine du Forez (Loire).

Les variations des effectifs des populations animales sont un vif sujet d’intérêt pour les sociétés humaines. On peut citer par exemple les stocks de poissons marins ou les populations de moustiques porteurs de maladies. Le développement de certaines populations peut conduire à des situations de conflit, c’est le cas pour le retour du loup en France et les interactions problématiques avec les éleveurs, et pour l’augmentation des dégâts dans les cultures céréalières par les sangliers. La mise en œuvre d’une gestion ou d’une régulation de telles populations doit se baser sur des connaissances appropriées, et en particulier sur des estimations des effectifs  et de leur évolution. Cependant, un recensement complet est impossible car tous les individus ne peuvent être observés, notamment s’ils sont mobiles et discrets comme le loup. On recourt alors le plus souvent à des méthodes d’échantillonnage d’individus marqués ou reconnaissables (par leur pelage, leur ADN…) et à des outils de modélisation appropriés pour obtenir des estimateurs, dans le cadre de qu’il est convenu d’appeler les « méthodes de capture-recapture ».

La première méthode de ce type remonte à 1786. Pierre Simon Laplace l’appliqua en 1802 à la population française. A cette époque, chaque paroisse possédait les registres des naissances et des morts de leur commune. Son idée a été d’estimer la probabilité p d’observation des individus, en divisant le nombre de naissances dans un échantillon de paroisses par le nombre total de naissances en France. On estime alors l’effectif total de la population en divisant par p le nombre d’individus vivant dans les paroisses choisies. Il a ensuite appliqué des outils de calcul probabiliste pour obtenir une fourchette de valeurs crédibles pour la taille de la population, appelée « intervalle de confiance ». Cette méthode a donné lieu à de nombreuses améliorations méthodologiques par la suite, notamment dans la méthode d’échantillonnage.

Cependant, les registres paroissiaux n’existent pas dans la nature ! Pour des populations animales, divers facteurs affectent la probabilité de capturer un animal. Cette hétérogénéité d’observation a conduit à développer récemment des modèles plus robustes, qui estiment soit le nombre d’individus soit le taux de croissance de la population, et qui prennent en compte la détection imparfaite et hétérogène des individus. La modélisation mathématique et statistique permet ainsi d’obtenir des informations de plus en plus fiables sur l’état des populations animales.

Brève rédigée par Rémi Choquet (CEFE/CNRSd’après les travaux réalisés par William A. Link (USGS Patuxent Wildlife Research Center), Anne Chao (National Tsing Hua University), Kenneth H. Pollock (North Carolina State University), Shirley Pledger (Victoria University of Wellington) et l’équipe Biostatistiques et biologie des populations du CEFE.

Pour en savoir plus :

Crédits Images : Anne-Marie Reboulet – CEFE.

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