Le mathématicien espagnol José-Manuel Rey a récemment proposé une description originale de l’évolution des relations amoureuses. Ce travail, publié dans une revue prestigieuse, a connu un certain retentissement par la curiosité qu’il suscitait. Les équations proposées donnent une explication aux mécanismes du «paradoxe de rupture» : si la sincérité de l’engagement ne semble faire guère de doute au début d’une relation amoureuse, force est de constater qu’un grand nombre de couples ne résiste pas au temps. Par ailleurs, l’article de J.-M. Rey soulève aussi des questions mathématiques intéressantes.
Le couple est décrit par une fonction de bien-être , qui dépend du temps. Au début d’une relation amoureuse, cette quantité est, on l’espère, très élevée… mais elle est sujette à une érosion naturelle. Cependant les partenaires peuvent réaliser des efforts, décrits par une autre fonction dépendant du temps , pour tenter de compenser cette érosion. La dynamique est alors décrite par une «structure utilité-coût» qui régit la compétition entre le contentement procuré par un bien-être élevé et ce que coûtent les efforts à réaliser. La rupture du couple est provoquée par un niveau de bien-être trop faible ou un niveau d’efforts intolérable. Cette description conduit à un système différentiel satisfait par . Si les valeurs des coefficients de ces équations dépendent de chaque couple, on peut cependant dégager des propriétés qualitatives universelles.
Le système admet un point d’équilibre : un couple qui produirait exactement ce niveau de bien-être et d’effort serait éternel. Or, cet équilibre est instable : si le bien-être ou les efforts s’écartent un tant soit peu des valeurs idéales… la trajectoire mène le couple à la rupture ! Néanmoins on peut montrer qu’il existe une «courbe stable», composée des points , dont les trajectoires qui en sont issus conduisent quand vers l’équilibre. L’enjeu pour un couple naissant, avec un certain bien-être, consiste donc à trouver le niveau d’effort qui le place sur cette courbe. C’est le «problème des tourtereaux». La détermination de ces points remarquables fait appel aux techniques de programmation dynamique, de contrôle optimal et amène à considérer les équations aux dérivées partielles d’Hamilton-Jacobi-Bellman. Concevoir un algorithme efficace pour calculer ces points est un enjeu scientifique important dont l’intérêt dépasse la dynamique amoureuse.
Finalement, le modèle de J.-M. Rey suggère l’opportunité de mettre en place des stratégies d’alerte et d’ajustement des efforts, de manière à rester au plus près de la courbe stable… : clef d’une relation harmonieuse ?
Brève rédigée par Thierry Goudon (Inria Sophia Antipolis).
Pour en savoir plus:
- J.M. Rey (2010), «A mathematical model of sentimental dynamics accounting for marital dissolution», PLoS ONE, Vol. 5, No. 3 [En anglais].
- Quand les mathématiques analysent les relations amoureuses : le syndrome de Carole par J.M Rey [En anglais].
- J.M. Gottman, J.D. Murray, C.C. Swanson, R. Tyson, and K.R. Swanson (2002), «The mathematics of marriage: dynamic nonlinear models», A Bradford Book, MIT Press, Cambridge, MA [En anglais].
- P. Lafitte, T. Goudon, «The lovebirds problem: why solve Hamilton-Jacobi-Bellman equations matters in love affair» soumis le 25 janvier 2013 sur HAL [En anglais].
Crédits image :Salomé Benzoni.
L’amour mathématique ca existe ahah :*
Je suppose que l’on peut trouver ce point d’équilibre à l’aide d’une série de conditions : Si (x(t), c(t)) n’est pas satisfaisant, on s’approche du point d’équilibre en compensant correctement avec l’augmentation ou la diminution d’un facteur, de manière à s’éloigner du point de rupture. On pourrait s’inspirer par exemple d’un algorithme de dichotomie …
On peut ainsi définir une suite dont on calcule la limite en +∞ pour trouver la solution, le point d’équilibre en fonction des facteurs propres à chaque système.
Cette solution me semble relativement simple, donc où est l’embûche ? Laquelle ou lesquelles de ces opérations ne peut (peuvent) être effectuée(s) et pourquoi ?
Attention, la difficulté n’est pas de caracteriser le point d’équilibre, mais de trouver la “variété stable”, qui est une courbe dans le plan (l’espace des phases) $latex (x,c)$: on suppose connu le bien etre initial $latex x0$, a priori tres grand, et on cherche la valeur de la stratégie d effort pour rester sur cette courbe qu conduit au point d’équilbre en temps infini.
En effet on pourrait penser, $latex x0$ étant fixé, a un algorithme de dichotomie pour estimer le niveau d effort (il reste a disposer d’un bon algorithme d’approximation de systemes différentiels pour décrire le comportement en temps long des solutions corrspondantes). Mais il faut envisager des méthodes plus sophistiquées pour traiter des cas ou l effort serait décrit par une variable de type vectoriel et non plus scalaire.