Qui n’a jamais été intrigué par ces formes géométriques qui apparaissent dans la nature, qu’il s’agisse des taches d’un léopard ou d’un flocon de neige d’une parfaite symétrie ? Par exemple, si l’on observe un étal d’oranges posées sur une surface plane, chaque fruit admet six points de contact avec ses voisins approximativement placés sur une jolie forme géométrique appelée hexagone. On peut ainsi recouvrir une table (infinie) en juxtaposant des hexagones. Les mathématiciens disent que l’hexagone permet de paver le plan. On peut le faire avec beaucoup de formes différentes, il suffit de regarder le carrelage de votre salle de bain ou de celui de la cuisine de votre grand-mère. On peut vouloir recouvrir le plan avec des polygones convexes réguliers, c’est-à-dire des ensembles dont le bord est une ligne brisée de segments de même longueur et qui n’a que des « coins sortants ». Il n’y a alors que trois choix possibles : le triangle équilatéral, le carré ou l’hexagone régulier.
Parmi ces trois formes, l’hexagone semble tenir une place à part. Par exemple, pourquoi les abeilles construisent-elles des alvéoles hexagonales ? Ce qui semble les pousser à choisir une telle disposition, c’est à la fois une contrainte de pavage, pour ne pas perdre d’espace, et un problème de minimisation de la cire utilisée. Considérons un triangle équilatéral, un carré et un hexagone d’aires égales, alors il n’est pas difficile de montrer que c’est l’hexagone qui possède le périmètre le plus petit, en d’autres termes, le bord de la plus petite longueur.
C’est donc cette forme qui permet de minimiser la quantité de cire à utiliser par les abeilles. Si on conçoit bien que ce résultat est connu depuis longtemps – Pappus y faisait allusion au quatrième siècle -, il a néanmoins fallu attendre 1943 et le mathématicien hongrois László Fejes Tóth (pour le cas convexe) puis finalement 1999 et les travaux de l’américain Thomas C. Hales pour démontrer le « Théorème du nid d’abeille », qui dit que le pavage hexagonal régulier est la partition du plan en surfaces égales de périmètre minimal, et pas nécessairement sous forme de polygones.
Ce beau résultat a inspiré certains industriels. Par exemple, les grilles de découpe à trous hexagonaux permettent d’obtenir à la fois moins de déchets lors de la fabrication des frites et une économie de graisse lors du dépôt de l’huile sur leurs bords.
Brève rédigée par Laurent Bétermin (Université Paris-Est Créteil) d’après les travaux de Pappus, László Fejes Tóth et Thomas C. Hales (University of Pittsburgh).
Pour en savoir plus :
- André Laur, Agnès Prévost, Histoires d’abeilles, IREM de Grenoble.
- Jacques Meyer, « Pappus », Encyclopaedia Universalis.
- László Fejes Tóth, Über das kürzeste Kurvennetz das eine Kugeloberfläche in flächengleiche konvexe Teil zerlegt,1943 [En allemand].
- Thomas C. Hales, « The Honeycomb Conjecture », 2001, Discrete and Computational Geometry, 25: 1–22, arXiv:math/9906042 [En anglais].
Crédits Images :
- Première image : Claudius Thiriet, Le Monde, 16 janvier 2013.
- Seconde image : Laurent Bétermin.
- Troisième image : Mauro Fermariello, Nature 424, p. 895-896, 21 août 2003.
- Quatrième image : Vivastreet.
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