Terrain d’aventure pour certains ou attraction touristique pour d’autres, nous partageons tous une inquiétude face au retrait des glaciers alpins.
Parmi eux, le glacier d’Aletsch en Suisse focalise l’attention car il domine très largement tous ses voisins en taille. Pour prédire l’évolution future d’un glacier, on a besoin de mathématiciens et de glaciologues. Ensemble, ils construisent un modèle qui prend en compte d’une part la déformation de la glace sous son poids et d’autre part l’accumulation et la fonte de glace en surface.
Le rôle des mathématiciens est de calculer la vitesse de déformation de la glace. D’un point de vue mécanique, la glace se comporte comme un fluide visqueux qui coule. La vitesse de la glace est décrite par des équations de la mécanique des fluides non-newtoniens. La glace se comporte également comme un solide qui glisse sur la roche. Une loi de glissement vient compléter le modèle en décrivant les forces de frottement à l’interface entre le socle rocheux et le glacier. Comme souvent, ces équations ne peuvent pas être résolues exactement. En revanche, il est possible d’en calculer une solution approchée. Pour cela, le glacier est représenté par un maillage et la solution est calculée aux nœuds du maillage. Si la méthode est usuelle, son application aux glaciers pose plusieurs défis. Tout d’abord, la géométrie accidentée des glaciers rend le maillage complexe et la méthode de résolution instable. Ensuite, pour obtenir un résultat réaliste, ce maillage doit être très fin ce qui rend le calcul d’un champ de vitesse particulièrement coûteux.
Le rôle des glaciologues est de calculer les bilans de masse, c’est-à-dire la différence entre le gain et la perte de glace liés aux précipitations neigeuses et à la fonte. Pour cela, ils combinent un modèle hydrologique avec un modèle climatique.
Pour simuler l’évolution d’un glacier sur une période de temps, les mathématiciens et les glaciologues doivent combiner leurs calculs. Supposons que la surface d’un glacier soit connue une certaine année. Tout d’abord, les mathématiciens génèrent le maillage du glacier, calculent le champ de vitesse de la glace et l’appliquent pour déformer la surface du glacier pendant un an. Ensuite, les glaciologues calculent le bilan de masse annuel et l’appliquent pour mettre à jour la surface du glacier. Finalement, il en résulte la surface du glacier l’année suivante. Ce processus est répété autant de fois qu’il y a d’années à simuler.
Comment savoir si le modèle est fiable ? Il suffit de comparer les résultats d’une simulation sur une période passée avec des mesures. Dans le cas du glacier d’Aletsch, sa simulation au cours du 20ème siècle reproduit très bien la réalité.
Finalement, qu’adviendra-t-il du glacier d’Aletsch ? Selon le plus probable des scénarios climatiques qui est basé sur une augmentation des températures d’environ 4 degrés, le glacier d’Aletsch aura quasiment disparu en 2100, comme le montrent les images ci-dessous.
Brève rédigée par Guillaume Jouvet (Freie Universität Berlin, Allemagne), à partir de ses travaux avec Matthias Huss (Université de Fribourg), Jacques Rappaz (EPFL), Marco Picasso (EPFL), Heinz Blatter (ETHZ) et Martin Funk (ETHZ).
En savoir plus :
- Prenez 5 minutes pour regarder un film réalisé sur ce sujet dans le cadre de la compétition de modules de musées MPE 2013. Ce film a été primé lors d’une cérémonie à l’Unesco.
- Modelling the retreat of Grosser Aletschgletscher in a changing climate, G. Jouvet and others, Journal of Glaciology, 57 (206), 2011.
- Simulez vous-même différents scénarios climatiques pour le 21ème siècle et voir ce qu’il deviendrait du glacier d’Aletsch.
Crédits images : Guillaume Jouvet.
Présentation remarquable par ses qualités explicatives et attractives.
Avis intéressé (AMIES) : très bon exemple de vulgarisation de l’apport des Maths à des pb de la vie courante (même si l’exploitation “industrielle” d’un glacier concerne peu de personnes).
Avis personnel : je pense que ma fille de 3 ans et demi aurait des questions suite à ce “ssindimé” ; ce qui est excellent, vu le sujet académique.