Querelle franco-anglaise autour de la forme de la Terre

Newton

Isaac Newton par G. Kneller (1689)

La Terre tourne autour de son axe Nord-Sud. Les objets situés près de l’équateur sont soumis à une force centrifuge qui tend à les éjecter vers l’extérieur. En 1687, dans son livre Philosophiae Naturalis Principia Mathematica, le grand mathématicien/physicien Newton en déduit que le globe terrestre se déforme un peu et qu’une espèce de bourrelet se crée au niveau de l’équateur. Il en calcule même la taille. Ce bourrelet existe-t-il ?

Les Français ne le pensaient pas et affirmaient au contraire que le globe terrestre avait la forme d’un ballon de rugby, allongé aux pôles. Pour trancher la question, l’Académie des Sciences de Paris organisa, en 1735, deux expéditions pour mesurer la Terre, l’une en Laponie et l’autre au Pérou. L’aventure scientifique fut passionnante mais le résultat était là et il fallut se rendre à l’évidence : les Anglais avaient raison. Le bourrelet prédit par Newton existe bel et bien… Pire : les mesures faites par nos voyageurs français confirmaient les calculs de Newton ! Shocking !

Voltaire s’en moquera en écrivant à Maupertuis, à son retour de Laponie :

« Vous avez confirmé dans ces lieux pleins d’ennui
Ce que Newton connut sans sortir de chez lui. »

Comment Newton avait-il calculé cela ? Il connaissait l’observation de Jean Richer, en 1672, selon laquelle une horloge à balancier qui est exacte à Paris retarde de 2 minutes et demie par jour lorsqu’on la transporte à Cayenne. Si le balancement de l’horloge soumise à la gravitation est plus lent, c’est que la force de gravitation, diminuée de la force centrifuge, est plus faible. Par un calcul mathématique magistral, Newton en déduit la taille du bourrelet ! Il montre que le rayon de la Terre au niveau de l’équateur est supérieur de 0,5% à celui au niveau des pôles. On sait aujourd’hui que la vraie valeur est plus proche de 0,3% : le rayon équatorial vaut 6 378 km alors que le rayon polaire vaut 6 356 km. Il y a une différence de 22 km !

 

Brève rédigée par : Étienne Ghys (CNRS-École Normale Supérieure de Lyon).

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Crédit image : Wikimedia Commons